Le résultat des tests était tombé ce matin. Le risque de récidive était bien là, mais pour le moment, tous les indicateurs étaient au vert. 

Le cancer qu'elle avait déclenché un an auparavant avait été corriace. Un cancer qui lors de sa découverte, était déjà métastasé. 

Un matin devant le miroir, une boule située entre la naissance des seins et les aisselles l'avait surprise. Une petite boule qui ne payait pas de mine, mais dont la dureté, elle l'avait senti, n'était pas anodine. Elle qui était en pleine forme, elle qui, selon les dires des gens ne "faisait pas son âge", et qui avait toujours fait de son mieux pour ne pas malmener son petit corps de femme, son petit véhicule terrestre qu'elle remerciait assez souvent de l'avoir emmenée si loin dans la vie... Oh non, elle ne l'avait pas vu venir ! 

Une boule qui bientôt allait devenir une boule au ventre, lorsqu'elle franchissait pour la première fois de sa vie la porte du service d'oncologie de l'hôpital Purpan. 

Elle ne comprenait pas vraiment ni ne cherchait à décrypter cette feuille emplie de chiffres, de virgules et de termes compliqués. C'est plutôt qu'elle la tenait fermement, comme lorsque l'on s'agrippe aux extrémités d'un pont pour ne pas tomber. Oui, elle s'agrippait à ce qui faisait office de preuve que tout allait désormais bien, qu'elle était redevenue une personne normale, une personne saine. Et même si ses trous de mémoire et son crâne chauve semblaient pour le moment dire le contraire, cette feuille, elle, ne mentait pas. "Tous les indicateurs étaient au vert". Voilà le mantra auquel cette feuille ramenait, noir sur blanc. 

Elle se le répéterait autant de fois qu'il le faudrait pour maintenir vive la flamme de l'espoir, et peut-être, un jour, comme une bougie peut en allumer une autre, guérir. 

 - I read your report last night, Sir... The numbers and cases that you relate are astonishing. Do you really think that a flu epidemic is raging in our battalion ? However, we were assured that all the conditions were in place to fight in the best conditions...

- With your respect my commander, who told you that ?

- The division general, and he was formal... 

- However, your men are all already very weakened, Sir. I would even say that they are vulnerable.

- Vulnerable ? But what do you mean ?

- What I mean is that your men are not working in decent conditions. They sleep in makeshift tents which do not properly protect them from the cold, so they are perpetually exposed to the elements. And then with all due respect, they are not properly fed. This obviously creates deficiencies, whether in terms of rest for the body or vitamins. However, this has been going on for months. Ultimately, we can fear a real deficiency of the immune system which can go as far as anemia.

- Anemia ? What's that ? 

- A lower than normal level of hemoglobin in red blood cells.

- And what can it do ?

- Anemia occurs when there is not enough hemoglobin in the body to carry oxygen to organs and tissues.

- I don't see any connection with the flu ?

- A poor diet and lack of rest can lead to anemia in the long term...

- Are you criticizing the new rationing policy decided by the general, here ?

- I wouldn't allow myself. I just wanted to draw your attention to...

- Listen, you're starting to annoy me, Perkin ! So do your job as a doctor and take proper care of those wounded in combat so that they can at least one day reunite with their families, even with one leg missing... It will always be a bargain ! Your stories about the immune system are a bit of a tall tale, we have other priorities ahead ! And then I remind you that you are supposed to put them back on their feet when possible and quickly !

- But sir, what should we do when a 19-years-old develops sepsis right after injuring himself with a knife while cutting an apple ? Can you tell me ? And I don't even have the required treatments to stop the process anymore. It seems that I'm undergoing rationing too, sir.

The commander in question stared at him. How dare he bring up all these abstract medical concepts that he knew nothing about ? And yet, it seemed that this flu story was taking on a certain magnitude...




 Son corps était massif. Des muscles, oui, il en avait mais pas que, puisqu'une sorte de bouée de graisse enveloppant sa taille lui donnait chaud, et des allures de gros ours mal léché. 

Quant à son torse, il n'était pas particulièrement poilu, mais cependant extrêmement large. La taille de son corps enfin en imposait aussi. Et son visage impassible dissimulé derrière d'épais hublots achevait de le rendre impressionnant. Cela tombait bien car c'est ce qu'il voulait : impressionner son monde pour garder le contrôle. Encore et toujours garder le contrôle sur ses conquêtes, afin qu'elles ne s'aventurent pas trop loin sur le terrain des émotions. Car les sentiments amoureux, c'est dangereux, vous voyez. 

Son corps dégageait une odeur légèrement âpre qui rappelait un peu celle d'un fauve. Cette légère odeur de transpiration qui pointe toujours son nez après l'amour, ou plutôt le coït, lorsque le mâle a achevé son mouvement de va-et-vient, sa gysmnastique sexuelle. 

Une légère odeur de transpiration qui se mélangeait désormais à l'eau de cologne bon marché dont il avait cru bon de s'asperger au beau milieu de la nuit, dans un ultime effort pour garder le contrôle sur l'expression naturelle, animale de son propre corps. 

Le mélange était assez détonnant, et lui rappelait un peu des petites boutique snapolitaines remplies de bibelots et de porcelaines défraïchies qu'on essayait tant bien que mal de mettre en valeur à l'aide quelque napperon de dentelle. 

 HAIKU : 


Respirer la rose

Parfum sucré

Une épine dans le coeur


The station was empty. Through the lens of the telescope, he was losing his gaze in the immensity of the cosmos.

Yes, the rational approach was there. He had always been a valiant soldier in the service of astronomy, astrophysics and their big sister, mathematics. To tell the truth, he had never had to put any undue effort into this. The equations had always been solved in one fell swoop in his full noggin. Full of digital landscapes, synesthetic landscapes where the numbers were tinged with colors and even... Emotions.

He just had to walk through these mental landscapes, real daydreams that he used to have, front of the whiteboards in the university study rooms, and that was it.

Let's say it, yes. He literally dreamed up the answers. Or rather, he gave birth to it through the sensations the numbers gave him. These units, these entities whose vibrations he felt. Sometimes he visualized geometric figures that represented them. It was because in his mind, the numbers were transfigured.

Yes, the rational mind was there. But it was only a matter of translation, only of transcription. Everything before and after was just imagination.

He was losing his gaze in the immensity of the cosmos and it nourished him. He could already, even without willing to, project himself into the digital field of possibilities.

 Les étés chez tante Annie étaient les plus longs du monde. Je traînais dans la grande maison, sans rien qui puisse contenter la petite fille de 10 ans que j'étais... Pas de poupée, pas de jeux, et les enfants du quartier qui me trouvaient bizarre et d'une mode passée. Parfois même, ils m'agressaient. 

Bref, je m'ennuyais dans cette maison. Je tournais en rond, traînant, trottinant dans le parc alentour, le soleil se reflétant à travers les feuillages des arbres au grès des allées et venues du vent. Cet arrêt sur imaes pouvait durer longtemps... Le temps d'un après-midi, avant que mon père ne vienne me récupérer après le travail. 

Et voici qu'un jour je fis la connaissance d'Harry Potter et de son monde à l'envers, qui faute de mieux, devint le mien... Un monde où les règles étaient toutes différentes. Je vivais ainsi les fantasmes qui couraient dans ma cervelle de gamine en hyperactivité cérébrale par procuration. Toujours mieux que le vide sidéral de cette grande maison où l'on ne parlait que pour mieux se cacher derrière les mots. 

Iic, les mots me téléportaient dans un ailleurs où presque tout était possible et je découvrais ainsi à travers eux la nécessité d'une respiration de l'esprit qui s'enfuit, qui s'en fout. 

Mais qu'est-ce qui avait encore, une fois de plus, titillé ma curiosité ? Qu'est-ce qui m'avait encore une fois poussé à fouiner dans ce trou sans fin, cet enfer de complexité qui avait pourtant tout de repoussant et d'effrayant par son caractère tout simplement insoluble et... Etrange ? 

What the hell was it that had piqued my curiosity once again ? What had pushed me once again to rummage in this endless hole, this maze of complexity which nevertheless had everything repulsive and frightening in its simply insoluble and... Strange nature ?


L'affaire avait été classée sans suite voici des années de cela et étant arrivé en bout de course dans ma carrière de flic d'une obscure agence fédérale de l'Iowa, on ne m'avait pas confié de nouvelle affaire, mais plutôt mis au placard, sous prétexte de me ménager un peu... Je connaissais bien la chanson, oui. On l'avait déjà chanté aussi à d'autres collègues qui avaient voulu faire la lumière sur des choses dérangeantes comme des conflits d'intérêt, de l'abus de faiblesse ou même des phénomènes que je jugeais au moins inexpliqués, si ce n'est paranormaux. 

The case had been dismissed years ago and having reached the end of my career as a cop in an obscure federal agency in Iowa, I hadn't been given a new case, but rather brushed under the carpet, under the pretense of sparing myself a little... Yes I know the drill. They already did it to other colleagues who wanted to shed light on embarrassing things like conflicts of interest, abuse of weakness or even phenomena that I considered at least unexplained, and if not paranormal.


Ces vieux compères eux aussi avaient été mis au placard bien avant moi, avec soit-disant pour consigne de s'occuper d'un dossier non-élucidé jugé d'un seul coup d'un seul digne d'intérêt. En ce qui me concerne, on m'avait clairement donné le choix, pourvu que je sois tennu éloigné des dossiers brûlants et que je ne fasse pas de vagues. Qu'à cela ne tienne, j'avais choisi le cas dit "Elephant man", où il était question d'un abus. D'un abus sexuel qui était le fait d'un être... Un peu spécial. 

These old friends had also been brushed under the carpet long before me, with supposedly instructions to deal with an unresolved case suddenly deemed worthy of interest. As far as I was concerned, I was clearly given the choice, as long as I was kept away from hot issues and didn't make waves, so to speak. No matter, I chose the so-called “Elephant man” case, where there was question of abuse. Of sexual abuse which was the work of a being... A bit special.


D'après les dires de la victime, dont vraissemblablement le corps contenait des traces d'emphétamine et d'héroïne au moment du témoignage, le coupable en question se trouvait être pourvu d'une tête d'éléphant et aurait pris la fuite sitôt l'acte perpétré... Or, il s'était avéré après auscultation de la victime qu'elle avait bien été pénétrée au niveau de l'appareil génital, acte qu'elle aurait été capable de s'administrer "seule" au moyen d'un objet préviu à cet effet. 

According to the victim, whose body probably contained traces of amphetamine and heroin at the time of the testimony, the culprit in question happened to have the head of an elephant and would have fled as soon as act perpetrated... However, it turned out after examining the victim that they had indeed been penetrated in the genital area, an act that they would have been capable of administering "alone" by means of 'an object intended for this purpose.


Le mystère résidait dans le fait qu'elle avait aussi été pénétrée au niveau de l'anus par semblerait-il rien de ce qui pouvait s'apparenter... A quelque chose d'humain. Des traces de coups de pinces de crabe ayant été repérées sur la peau entourant l'anus ainsi qu'à l'intérieur de l'anus lui-même, au vu des différentes lésions constatées. 
La victime, durant l'interrogatoire, plutôt fermée et peu explicite, ne s'était pas répandue en détails. Elle s'était en fait contenté de bredouiller les mots "tête", "éléphant" ainsi que "poil"... Les enquêteurs ayant reconstitué les pièces du puzzle par eux-mêmes. 
Il semblerait que la victime ait été tant saisie par la peur au moment où elle découvrit l'apparence physique de son agresseur qu'elle en avait perdu l'usage de la parole. 

The mystery laid in the fact that they had also been penetrated in the anus by, it seemed, nothing that could be compared... To something human. Traces of blows from crab claws having been spotted on the skin surrounding the anus as well as inside the anus itself, given the various lesions observed.
The victim, during the interview, rather closed and not very explicit, didn't elaborate on it in detail. They had in fact just stammered the words "head", "elephant" as well as "hair"... The investigators having put the pieces of the puzzle together by themselves.
It seems that the victim was so overcome by fear when they discovered the physical appearance of their attacker that they lost the ability to speak.

 Chère boulangère de mon quartier, 


Je voulais aujourd'hui prendre la plume pour nous remémorer, 

Lorsque je suis allé chercher une brioche la semaine passée, 

Ce fameux instant de flottement, 

Où tu m'as lancé un "bonjour Monsieur", un peu sensuel, 

Un "bonjour Monsieur" qui avait quelque chose de tendre et de charnel, 

Pour ensuite faire volte-face, tout, tout dans ton comportement, 

A changé du tout au au tout lorsque tu as découvert, 

Cachés sous mon tee-shirt, des petits seins menus qui faisaient la paire. 

Toi qui partie dans un élan était prête à me servir ma brioche, et plus si affinités

Je me souviendrai toujours de ton sourire déçu de petite poupée. 

Petite poupée attendant le prince charmant. 

Un prince sans seins, bien sûr, un prince bien sous tout rapport. 

Un prince beau, intelligent, dans la fleur de l'âge et dans l'essor

Un prince fumant. 

Et c'est lorsque je répondis, dévoilant une voix clairement féminine, 

Que s'assombris encore un petit peu plus ta mine.

Une relation que tu avais dores et déjà condamnée.

Condamnée aux représentations idéalisées

D'une société nourrie aux Walt Disney. 


TÉMOIGNAGE INVENTÉ DE NINA, PROSTITUÉE A PARIS.

" Chaque fois qu'on m'demande comment j'en suis arrivée là, j'réponds toujours un peu la même chose... Je vais pas dire que l'endroit où j'travaille c'est la panacée, mais au moins, je suis sûre de pouvoir rester dans cet appart'. 

Vous savez, garder un appart' à Paris, c'est pas une mince affaire. Si tu payes pas, tu dégages, c'est pas comme en province. Y a une grosse mafia, même pendant la trêve hivernale, faut pas croire ! J'veux dire, quand vous êtes pas en logement social, parce que les logements comme ça merci, j'ai peut-être pas été élevée au caviar mais faut pas déconner, j'aime pas les racailles, surtout en tant que meuf blanche ! 

Mon parcours, bah c'est simple. 18 ans, mon père voit que je vais plus au lycée, pas d'avenir, une bonne à rien pour lui. Il me dit que si je suis pas contente, j'ai qu'à dégager. Ca faisait déjà un moment qu'il voulait me foutre dehors t'façon, j'le sentais. Mais moi je l'ai pris au mot, le daron, en 2 temps 3 mouvements j'étais barrée. Barrée la fifille, j'avais pas besoin de leur pitié et de leur argent. 

J'ai fait mon sac, j'ai fraudé le train et de là, arrivée à la gare du Nord, j'ai fait tous les bars. Avec 30 euros sur moi, j'pouvais pas espérer tenir plus de 2 nuits, même à Barbès. Et encore, c'était à l'époque, ça, j'suis plus de première fraîcheur ! 

Du coup j'ai commencé par un bar turc. La cuisine, enfin si on peut appeler ça comme ça, j'me rappellerai tout le temps... Une odeur si infecte que j'ai pas pu rester, même pour un remplacement... Et le bar juif près de Montmartre, la clientèle était bonne mais très peu pour moi l'exploitation !

C'est là que je suis tombée sur cette a,nnonce d'hôtesse, dans un journal gratuit... A l'époque, le bar était beaucoup plus sombre, c'est c'qui m'avait frappée. Les tapisseries, rouge sang, le lustre super bas avec sa lumière opaque... Bref, même moi la petite campagnarde de 19 ans, je sentais bien que c'était un bar à part... Comme si tout était fait pour rendre tout ce petit monde méconnaissable, car il y en avait du monde à l'intérieur, même en peline après-midi par un beau soleil ! Bizarre, tout de même, je me disais... 

Mais je me rappellerai toujours la tête de Miranda, la gérante du truc, en regardant ma bouille et mon corps pas encore bien formé de haut en bas, comme si elle jaugeait la marchandise... "Avec ou sans capote ?" elle m'a dit, après les petites présentations. Je n'ai pas répondu, j'étais choquée, bien sûr... Mais il faut bien dire que je m'en doutais quand même un peu, de la tournure que prendrait la conversation... 

"Sans capote, ça paye mieux, bien sûr." Elle a pris mon silence pour un "oui", bien sûr. Elle a toujours sû décrypter le langage non-verbal, la maligne. Une planquée, Miranda, sous ses airs de pas y toucher. Elle comprend tout, c'est pour ça que le grand patron l'a mise là. Elle devine tout ce que les clients veulent, les friqués, les moins friqués, tous les profils qui passent dans le bar ! Si je devais donner le diplôme de meilleure psychologue à quelqu'un, ça serait à elle. Pourtant j'en ai vu beaucoup des psychologues à l'école, moi qui foutait tout le temps le bordel et qui m'faisait virer d'partout. 

"Tu commences demain." Elle m'a dit d'un ton ferme. Et voilà, ça fait 10 ans que je suis là... "

Bertrand avait été transféré depuis une bonne quinzaine de jours déjà. Cet institut était lui équippé d'un certain nombre de moyens qui lui facilitaient grandement la vie, il fallait bien le reconnaître, notamment pour la toilette quotidienne, qui avait toujours été un supplice. Sans ces équipements, sa toilette se réduisait auparavant à une toilette de chat et il se sentait vite poisseux, surtout l'été. 

Lui qui avait toujours refusé la moindre assistance par pudeur évidemment, mais aussi parce que merde, il ne souffrait que d'une paralysie partielle, pas de quoi être traité comme un faible, comme un boulet de la société. 

Son égo mal placé étant encore sans doute la seule chose qui dans son imaginaire à lui le faisait se sentir un peu homme, un peu fort, voyez... La seule chose qu'il pouvait encore se targuer d'exhiber comme un trophée. 

Oui, cet institut lui permettait de faire sa toilette en toute autonomie grâce à toute une batterie de machines qui s'activaient autour de son corps frêle à force de ne pas... S'en servir. 

Et il avait même des airs de château de contes de fées avec son grand parc, ses tourelles et sa marre aux canards. Une marre dont les infirmiers, aide-soignants et autres rééducateurs faisaient allègrement le tour durant leurs pauses, bavassant sur les nouvelles réglementations en vigueur. Parfois, les accompagnants des internes se prettaient aussi à ce jeu du tourner-manège. 

Bertrand les observait tous, faisant des tours et des tours, petites planètes dont l'axe autour de l'étendue d'eau était prévisible, à l'exception de quelques excentriques qui s'attardaient près des arbres avant de reprendre leurs courses autour de la marre. 

Il les observait depuis la fenêtre de sa chalbre donnant sur le parc, attendant la délivrance comme une princesse condamnée dans son donjon ; attendant qu'un accompagnant arrive pour, au moins une fois dans cette sainte journée, sentir le soleil chatouiller sa fine peau de poulet décongelé. 

 "On ne parle pas la bouche pleine." C'est toujours ce que me disait maman, l'air courroucé, lorsque nous étions attablées chez des amies à elle ou lors du fameux café de 16h chez les tatis, les mamies et autres oncles d'un âge avancé. 

"On ne parle pas la bouche pleine." Avait-elle l'habitude de me glisser fermement, avec ce ton plein d'aplomb, ses yeux fixés sur mon attitude désinvolte de gamine qui s'ennuie chez les vieux. 

Un ton pris de façon volontairement théâtral devant nos hôtes pour prononcer ce mantra, toujours le même, et le poser en vérité absolue. 

Comme si ma mère se raccrochait fermement à cette vérité comme une moule affolée à son rocher. Comme si elle me la répétait pour mieux se la répéter à elle-même, s'auto-convainquant qu'il existait bien dans cette foutue vie au moins une vérité qui aurait pu tenir la route, une vérité immuable qui ne s'écroulerait pas comme un château de cartes à la première averse venue. 

Ma mère, d'un ton courroucé, le verbe haut et droite dans ses bottes m'invitait donc à en faire de même. Et cela n'était pas négociable, voyez, car pas qu'une question d'éducation, mais encore d'image. 

Oui, d'image. 

Elle qui se laissait dominer par un patriarche hautain et centré sur son unique personne, pourrait encore se targuer se faisant de sauver les maubles chez les autres. Dieu soit loué. 

 Cher toi, 

Je me remémore le début de cette rencontre fortuite, 

Qui bien sûr ne l'était pas du tout, 

Cette rencontre purement gratuite, 

N'engageant aucun "nous". 

Nous flanions sur les bords de Garonne, 

Discutant de tout et de rien. 

Nous flanions ensemble, l'ambience n'était pas mauvaise plutôt même bonne.

Seulement voilà, jamais nous ne nous serions doutés que nos paroles chez l'un et l'autre résonnent. 

Des paroles échangées sans attente, surtout pas celle de créer un lien. 

Une blague, quelques verres de bière, de quoi passer comme on dirait un bon moment. 

Et peut-être plus si affinités, mais toujours dans l'instant présent. 

Une jolie formule pour dire qu'on ne prend que ce qui chez l'autre sert ses intérêts. 

Une jolie formule pour ne pas s'engager. 

Tout était parti comme sur des roulettes, tous les ingrédients y étaient. 

Tout débutait parfaitement, claires étaient les modalités. 

On s'amuserait jusqu'au bout de la nuit, 

Tu me mettrais dans ton lit. 

Les modalités d'un contrat que tu avais écrit. 

Dans ton lit je finirai, et repartirai comme j'étais venue. 

Je repartirai dès le matin, et c'est ce que j'ai fait, j'ai tourné les talons. 

Je l'ai fait, oui, un peu la mort dans l'âme, un peu déçue. 

Un seul hic dans l'histoire : l'amour, qui n'était pourtant pas inclus 

Dans l'équation... 



I’ve been waiting for you for a long time,” it would whisper to her every night. It's as if every night him and Brigitte meet in another dimension.

She took her anxiolytics, indulged in her sophrology exercises and fell into a deep sleep, a sleep that was too enveloping and hermetic not to be superficial. She often hiccupped before sleeping. She wanted to cry, caught in her heart and body between the grips of dull anguish, waiting for the evening to resurface. They had waited all day patiently, lurking in the shadows, to be able to return to the front of the stage. Mental succubi, it was always before bedtime that they came to bombard her with pressing questions with impossible answers.

Would old age take her away before having tasted life ? What was true love ? What was the meaning of life ?

The only answer was that she would go about her daily rituals and the question was closed. Close at least until this creature invites itself into her head, always with this same sentence, this mantra coming out of its diaphanous mouth. A gaping hole stuck on a macaque face. The message was crystal clear, distorting this already very wide mouth to tirelessly let these same sounds pass at the same rhythm, and always with the same tone. They had been waiting for her for a long time and firmly affirmed it with a twinkle in the eye, as if Brigitte alone could know exactly what it was all about.

"I've been waiting for you for a long time." it said to her, languorously snapping her snake tail against their wolfdog body.

"I've been waiting for you for a long time." it repeated to her, plunging their coal gaze into her with a twinkle in the eye.

She also ended up looking into its eyes, drowning in its deep and mischievous gaze which spoke volumes about her own fantasies...

 La salle d'audience des assises de Toulouse était tout simplement immense. Et ses grandes fenêtres donnant sur la cour du palais de justice lui conférait encore plus de clarté, agrandissant encore plus sa superficie dans une superbe illusion d'optique. Les corniches, elles, couraient gracieusement le long des murs, encadrant la salle de leurs moulures typiques de la rennaissance, flamboyantes d'élégance. 

Quant au plafond, il offrait une bouffée d'oxygène à quiconque aventurant son regard vers lui. Sa forme en dôme ornée de dorures et de représentations picturales faisait comme éclore les poumons, d'autant plus qu'il était d'une hauteur assez impressionnante, s'élevant peut-être bien à 15 mètres au dessus de la tête des personnes ici présentes, venues assister au jugement pour viol d'un individu. 

Autant dire que la beauté de cette salle d'audience détonnait avec l'ambiance lourde qui y régnait. Une énergie chargée de toutes les petites saloperies, coups bas, humilations, violences physiques, et tout autre type d'acharnement en tout genre qui chaque jour étaient énumérés par le juge à cette même place qui surplombait tout le reste. Avocats, jurés, procureur de la république, civils venus assister à l'exhibition funeste des dérives de la nature humaine. 

Et c'est sans doute cette place particulière de laquelle chaque jour étaient récapitulés divers actes criminels, la place d'honneur, la place symbolique de la présidence, qui était aussi celle du prêtre dans l'église ou de l'imam dans la mosquée qui rendaient ces dires encore plus terrifiants. 

A cette place et énoncés de façon aussi claire et distincte au micro, toute la lumière était désormais faite sur la cruauté humaine.