P O R T R A I T S

Voilà une galerie de portraits de personnes que j'ai pu croiser ces derniers temps, avec qui je suis encore en contact ou non ;
 cela n'a pas trop d'importance... J'ai fréquenté ces personnes de façon plus ou moins étroite, si ce n'est intime, et leurs personnalités m'ont marquée au point de vouloir retranscrire la poésie qui émanait d'elles ; pour le meilleur, et aussi pour le pire, et c'est précisément ce clair-obscur qui est intéressant dans l'exercice ; des portraits au fusain où l'esquisse sait laisser place à l'ombre et l'implicite.
Au moyen d'une écriture romancée et constellée de sonorités se faisant écho de façon rigolote, (poétique ?) j'ai eu envie de les photographier. Une prise de vue sur l'instant de leur vie. Prendre au lasso leurs névroses, certes, 
mais aussi tout simplement la forme de beauté qui leur est propre et qui a retenu mon attention.
Des personnages avec leurs petites laideurs, mais avant tout des êtres humains dotés d'une conscience.
Et bien sûr, pas de prétention à l'objectivité ; le coup de projecteur braqué sur ces êtres relève de ma propre lumière, elle aussi tamisée par les blessures. Cette lumière est la mienne, et je l'assume comme telle.

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RO X A N N E 

This being is like those lemon meringue pies. The tart is made from a very thick and hard cake batter base. Roxanne has this kind of rock n' roll attitude and even though he listens to a lot of funk and disco music, he has this bite, this kind of politically incorrect spirit that makes him fight for more justice in this world. 

But there is also this lemony and tangy touch, this eccentricity with which he lets himself be tempted, always carrying him a little towards creative madness...

She always plays a little with the textures and colors of her clothes as she plays with genres... And laughs out loud about it. At other times, Roxanne lets herself be overcome by an extreme emotionality which offers itself entirely to the other, and can even get greedily lost in it. An emotional dependence, so to speak, assumed. This is the last layer of the cake, the layer creamy and caramelized by passion, but only passion for herself. Narcissistic trait often takes the lead, for better and worse.  

Cet être est comme ces tartes au citron meringué. La tarte est composée d'une base de pâte à gâteau bien épaisse et bien dure. Roxanne a cette espèce de rock n' roll attitude et même s'il écoute beaucoup de funk et de musique disco, il a ce mordant, cet espèce d'esprit politiquement incorrect qui le fait se battre pour plus de justice dans ce bas-monde. 

Mais il y a aussi cette touche citronnée et acidulée, cette excentricité par laquelle il se laisse tenter, le portant toujours un peu vers une folie créatrice... 

Elle joue toujours un peu avec les textures et les couleurs de ses vêtements comme elle joue avec les genres... Et en rit aux éclats. A d'autres moments, Roxanne se laisse gagner par une émotivité extrême qui s'offre toute entière à l'autre, et peut même s'y perdre goulument. Une dépendance affective pour ainsi dire assumée. Ceci est la dernière strate du gâteau, la strate crémeuse et caramélisée par la passion, mais uniquement la passion pour elle-même. Le trait narcissique prend souvent le dessus, pour le meilleur et pour le pire.




P A M I T 

Another boozy evening with his nocturnal fellows. Just a little amount of white powder on a plate and off they go in the hysteria of yet another evening in Toulouse, going with the rhythm box of an overrated sensuality of R'n'B music. The soft voices retouched on software guided them from bar to bar, little insects seeking the light of an ultimate excitation of the senses. That night, climbing had been required to pass the security gate of a more or less trendy nightclub. The nights of a young computer engineering student drowning his worries in the ephemeral of experiences and the summer heat. Dressed in a leather jacket that was a little too tight, he likes enjoying beautiful things, and... Beautiful girls.

He ain't wear like many of his mates, these big silver necklaces supposed to show the virility American rap was promoting, no. He wore a bracelet, also silver, but with the effigy of his family's culture, which he had left behind in India to follow this university course which was to make them proud. On the other side, he's wearing an Apple watch, as a symbol of his fully trust in technology, failing to believe in humankind, towards whom he openly has a cynical approach. Forgetting that humankind is mediocre by drowning his mistrust in any entertainment with them, such was his credo. 

  And here he is now, wandering the Cartoucherie neighborhood, a little haggard and staggering, his eyes lost in the mildness of an early summer morning which would soon turn into a furnace. Yet another evening of laughing, chatting and showing off in the multicultural urban carnival of this student youth who has nothing to lose and knows no limits but those of death. One foot in the heaviness of tradition, one foot in the decadence of modernity, but always in a cold denial of his own sensitivity through many artificial ways of escaping. 

Soirée encore bien arrosée avec ses compagnons nocturnes. Un peu de poudre blanche sur une assiette et les voilà tous partis dans l'hystérie d'une énième soirée toulousaine, au grès de la boîte à rythme d'une musique R'n'B à la sensualité surfaite. Les voix suaves retouchées sur logiciels les guidaient de bars en bars, petits insectes recherchant la lumière d'une ultime excitation des sens. Cette nuit là, l'escalade avait été de mise pour passer le portique de sécurité d'une boîte de nuit plus ou moins tendance. Les nuits d'un jeune étudiant en ingénierie informatique noyant les tracas dans l'éphémère des expériences et la chaleur estivale. Vétu d'une veste en cuir le moulant un peu trop, il aimait profiter des belles choses, et... Les belles filles. 

Il ne portait pas comme beaucoup de ses comparses, ces gros colliers d'argent censés refléter une virilité dont le rap américain faisait la promotion, non. Il portait un bracelet lui aussi d'argent mais à l'éfigie de la culture de sa famille qu'il avait laissé derrière lui en Inde pour suivre ce cursus universitaire qui allait faire leur fierté. De l'autre côté, il porte une montre Apple, comme symbole de son infaillible croyance en la technologie, à défaut de croire en l'humain, envers qui il a ouvertement une approche cynique. Oublier que l'humain est médiocre en noyant sa défiance dans n'importe quel divertissement, tel était son crédo. 

Et le voici maintenant, errant dans le quartier de la cartoucherie, un peu hagard et chancelant, les yeux perdu dans la douceur d'un petit matin d'été qui bientôt, allait se changer en fournaise. Une énième soirée à rire, à bavasser et à se montrer dans le carnaval muticulturel urbain de cette jeunesse estudiantine qui n'a rien à perdre et ne connaît de limites que celles de la mort. Un pied dans la lourdeur de la tradition, un pied dans la décadence de la modernité, mais toujours dans le déni froid de sa propre sensibilité à travers beaucoup de moyens artificiels de fuite. 




E R I C 

Devant elle, se tenait une marionnette suspendue en l'air. 
Jean peint sur des Rangers raffistolées, utlime relique d'un passé d'artiste, à moitié réalisé. 
Il se tenait debout, d'apparence tranquille, mais toujours prêt à dégainer l'insulte, le mot de trop, qui puisse concorder avec le profil de soulot. 

La provocation, sa dernière arme pour asseoir un peu d'autorité envers lui-même. Lunettes enfoncées sur le nez, quelques paroles de Gainsbourg jetées entre deux mégots que ses lèvres au dessin pervers avaient l'habitude de machonner. Visage attaqué par la désillusion, les reliques d'un rockeur de rien du tout qui a l'amour, picoré. Oiseau qui de branche en branche est passé mais jamais ne s'est arrêté... Pour aimer. 








M A R I E 

Elle était une de ces pierres rares que vous ne pourriez trouver qu'en dehors des sentiers battus, pour les imprudents s'aventurant un peu trop loin dans l'expérimentation. 
Une pierre sombre, gisant là, étincelante, en vertu des ténèbres qu'elle renfermait. 
La spécialité du diable n'était probablement pas de se loger dans les détails, car Marie mentait comme un arracheur de dents. Et son intelligence extrême la conduisait à user d'une confiance en elle qui ne souffrait ô grand jamais d'aucun trouble à cette fin, si bien qu'elle s'était constitué une véritable cour d'apôtres, tous plus jeunes les uns que les autres. La vivacité, la clémence et l'espoir de la jeunesse dont elle se repaissait, tapie dans l'ombre des ruines d'une vieille et sale ferme du sud ouest de la France. 
Marie était une crapette. Vêtue de haillons, elle se prenait pour Marie-Madeleine, prêchant à qui mieux-mieux sa morale pour mieux justifier son alcoolisme. Marie était une souillon, mais pas n'importe laquelle. Elle avait un don, elle attirait à elle ; ensorcelait les âmes en perdition. 








 
 
A N A S 

White and massive teeth, aligned along delicate lips. A smile willing to light up the world, shining like a sun on all those who were in the area. Dazzling.
A guitar, fluent English, a smile, and voila.
Chubby, his nose broken, he camouflaged all his violence in hippie gaiters, but above all behind the music, which adorned him with a feminine and even unique dimension, if we considered that Anas was the star of Imsouane, a small village in western Morocco where he liked to parade while smoking joints. A diva. 
It was because music placed him in the odour of sanctity among girls and he did not hesitate to derive some benefit from it, if you know what I mean... 
He collected girls, wandering mates in the labyrinth of an abysmal lack of self-confidence. He seduced with his covers. Broken voice settling on the music with the flexibility of a gymnast. But not of an artist ...
Gymnast, yes. He learned with disconcerting rapidity, could grasp on a host of details in record time. And this for everything, to tell the truth.
But he was only miming. Creating was about something easily achievable, right?
Except that he have never reached it.
Cause to create supposed a state of loneliness in which the individual found himself in the grip of his sensitivity.
He paraded. Dominated to legitimate himself... Until the fatal moment to see himself confronted with himself.

Dents blanches et massives, alignées le long de lèvres délicates. Un sourire voulant illuminer le monde, irradiant comme un soleil tout ceux qui se trouvaient dans les parages. Eblouissant. 
Une guitare, un anglais bien maîtrisé, un sourire, et le tour était joué. 
Grassouillet, le nez cassé, il camouflait toute sa violence dans des guêtres de hippie, mais surtout derrière la musique, qui le paraissait d'une dimension féminine et même unique, si l'on considérait qu'Anas était la star d'Imsouane, petit village de l'ouest du Maroc où il aimait à parader en fumant des joints. 
C'est que la musique le plaçait en odeur de sainteté auprès des filles et il ne se privait pas d'en tirer quelque profit, si vous voyez ce que je veux dire. 
Il collectionnait les filles, compagnes d'errance dans le labyrinthe d'un manque de confiance en lui abyssal. Il séduisait avec ses covers. Voix cassée se posant sur la musique avec la souplesse d'un gymnaste. Mais pas d'un artiste... 
Gymnaste, oui. Il apprenait avec une rapidité déconcertante, pouvait emmagasiner foule de détails en un temps record. Et ce pour tout, à vrai dire. 
Seulement, il ne faisait que mimer. Créer restait de l'ordre de quelque chose de facilement atteignable, n'est-ce pas ? 
Sauf qu'il ne l'atteignait jamais. 
Car créer supposait un état de solitude dans lequel l'individu se retrouvait aux prises avec sa sensibilité.
Lui, paradait. Dominait pour se donner de la contenance... En attendant le moment fatal de se voir confronté à lui-m'aime. 





S T E P H A N E 

Il était une fois un homme qui ne semblait pas bien épais. Pas bien épais, et pas bien gai. Cet homme était tordu, et tout un chacun aurait pu le prendre pour un moldu. Mais qu'est-ce qui clochait avec cette brindille qui semblait déstabilisée par une peccadille ? 
Des égards, il en a eu. Sa vie en est jonchée. L'élégance d'une vie à vouloir se faire pardonner. Pardonner une soif d'amour intarissable, onde choc d'une violence inébranlable. Celle d'une mère à jamais castratrice ; qui sur lui apposa son empreinte, sa cicatrice. 
Et l'homme tordu, distendu par sa grande sensibilité, trouva alors une jolie bouée. Une bouée à laquelle, un peu, s'accrocher. Accrocher ses espérances d'enfant blessé. 
A la manière d'un attrape-rêves, elles pendaient. Jusqu'à ce qu'un jour, l'homme dû faire face à son destin. Solitude retrouvée dans laquelle le poète se perdrait à jamais ; se tenant droit comme un i au milieu des marais. Il se complaisait dans la mélancolie. Geignait à qui mieux-mieux. 
Idées noires en bandoulières, et idées de justice. L'esthétique de son être fragile et immature y ajoutant les éléments subtils qui bientôt aboutiraient à l'alchimie d'une littérature sombre. Textile opaque et soyeux de ses productions intérieures se combinant dans le silence. 








M E H D I 
 

Un œil à l’affut et un autre qui dit merde à l’autre. Un pied dans la réalité ; pure et dure, pragmatique, dans tout ce qu’elle a de matérielle. Cynique, s’il le faut.  
Un autre dans l’invisible. Dans les limbes de ses perceptions extrasensorielles. Clairsentient, les informations qu’il délivre ne sont jamais exactes, voyez. Pas de cette exactitude dont raffolent les milieux autorisés, aseptisés.  
Une lueur jaune brille dans ses yeux couleur jade. Une lueur de folie douce, qui parfois comme un volcan endormi s’embrase… Et dévaste tout sur son passage. C’est alors toute sa grande carcasse qui défaille dans la fumée émotionnelle débordant de sa bouche. Toujours un mégot coincé entre les plaquettes.  
La lave de ses mouvements d’humeur jaillit sitôt sa fierté blessée. Une fierté de voyou à la française, aux mœurs surannées. Virilité surjouée.  
Le cœur trop près de la tête et les lèvres toujours au bord des larmes. Larmes de crocodile pour chantage affectif dans les règles de l’art.  
Mehdi verse dans le mélodramatique comme un acteur de sitcom. Il ment, mais jamais sans tendresse ; celle qu’ont ceux qui voient clair dans l’âme des autres, par-delà les normes.  
Esprit d’escroc jamais bien loin, toujours prêt à dégainer. Politique vaseuse, histoires avortées, mafia : il l’a juré.
 
 
 
 
 
L I A M


Il semblait toujours être tombé d’une autre planète, d’un on-ne-sait-où que lui seul aurait pu situer… Il semblait être tombé sur la tête, avec ses cheveux en bataille et ses iris bleu pâle suspendus à deux larges lucarnes d’orbites. Des yeux grands ouverts sur plus que le monde, plus que le ciel et le soleil. Assurément.
Nom à consonnance anglophone. Liam a le mindset anglo-saxon, il est casual, a cette espèce de nonchalance bienveillante, cet esprit brit-pop, pourrait-on même dire ! Mais ça, c’est pour rendre les rapports humains plus accommodants. Plus sympas. Car Liam, en fait, est à des années-lumière de la comédie humaine. De la civilisation humaine ? Peut-être bien aussi.
C’est comme s’il la surplombait, comme ça, avec pas plus de complexité que celle d’un oiseau-planeur ; oiseau migrant d’un continent de pensée à un autre, sans cesse en train de concevoir, d’innover, multipliant les expériences, les créations ingénieuses.
Non, Liam ne se décide décidément pour rien. Sous les yeux apeurés de ses parents, il se disperse. Très tôt, les sciences, et en particulier les sciences appliquées, devinrent ses meilleures amies. Des amies qui l’ouvrent à l’ingénierie, à cette fenêtre ouverte sur d’autres horizons matériels. 
Transformer la nature. L'optimiser. Les ingénieurs, pour peu qu'ils ne soient pas des fétichistes en mal d'affection, ne sont autres que des pragmatiques rêveurs : ils aspirent à l'amélioration de cette Terre, plan en mains. Liam aussi sera de ceux qui hisseront des ponts entre la nature et la condition humaine. Mais avec une approche décalée qui jamais n'oublie combien elle est vaine. 

He always looked to have been fallen from another planet, from an unknow location that only he could have located… He seemed to have been stood on his head, with his messy hair and pale blue irises hanging from two large eye sockets skylights. Eyes wide open to more than the world, more than the sky and the sun. Certainly.
English speaking name. Liam has the english mindset, he is casual, has this kind of benevolent nonchalance, this britpop spirit, you could even say ! But that, is to make human relationships more accomodating. More cool. Because Liam, in fact, is light years away from human comedy. Human civilization ? Maybe too.
It’s like he would overlook it, like that, with no more complexity than that of a soaring bird ; bird migrating from one continent of thought to one another, constantly designing, innovating, multiplying experiences, ingenious creations.
No, Liam is definitly not definited. Under the frightened eyes of his parents, he self-disperses. Very early on, sciences, and in particular applied sciences, became his best friends. Friends who open him up to the ingineering, to this open window to other material horizons.
Transform nature. Optimize it. Ingeneers, as long as they’re not fetishists hurting for love, are none other than pragmatic dreamers : they aspire to the improvement of the Earth, plan in hand. Liam too will be among those who will build bridges between nature and the human condition. But with an offbeat approach that never forgets how vain it is.








C E D R I Q U E


" Si ça n'existe pas, nous n’avons qu’à l’inventer ! " Une locomotive lancée dans les airs à toute volée. Tout problème a sa clef, il suffit simplement de se donner la peine de chercher... La serrure. 
Des serrures, Cédrique en a vu plein, et c'est ce qui le rend si proche, et si lointain. Au four et au moulin. La locomotive carbure, elle ne cesse jamais de turbiner. Les rails sont invisibles, laissant le champ des possibles ouvert. Pas de limites, pas de genre, l’horizon est dégagé. Ne reste plus qu’à créer.
Cédrique, à la fois locomotive et s’efforçant de faire un pas de côté. Le groupe, oui, mais pas dupe non plus, toujours le regard affûté. Des propositions, pas des déclarations. De l’humour, pas des conseils. De l’amour, pas de possession.
Pas besoin de faire des études pour avoir deux grammes de bon sens. Le bon sens, la chose la mieux partagée au monde. Voilà les fondations de ce qu’on appelle politique, qui n’est que citoyenneté !
Qui l’aime le suive dans l’aventure en perpétuel process. Perpétuel apprentissage auquel tout le monde est convié, on n’est pas à la messe. Faire des convertis, là n’est pas la question. Prenez place dans la locomotive, et vous verrez bien. Si tu t’endors, t'es mort. Rien de tel que de faire, et tant pis pour les âmes en peine. Mais Cédrique, dans cet élan, s’est oublié lui-même. Prenez place dans la locomotive sans conducteur, destination suprême.









R A C H I D

Avez-vous vu passer le chien fougueux, celui qui aime tout le monde et n'aime personne ? Il vient vous faire des lèches et disparaît dans la nature. 
Sourire carnassier, attiré par les belles plantes, il vient butiner, puis s’en retourne à ses affaires. Rachid a grandi dans la tradition berbère, la famille en moins. Dans le culte religieux, l’amour en moins. Que faire lorsque votre mère est morte et que votre père disparaît lui aussi dans la nature ? Eh bien survivre. 
Toujours le meilleur à l'école, toujours viser les étoiles, pour peut-être, un jour, step out of this condition. Pas pour fuir son pays, pour se fuir lui-même. Les selfies s'accumulent.
Surenchère de fierté maladroitement feinte. Il connaît tous les codes sociaux et les singe, sublime acteur burlesque coupé de ses propres émotions pour ne plus jamais connaître au grand jamais l'abandon. 
Cherchant désespérément semeone to love, il erre, à l'affût, langue pendante, bondissant joyeusement sur la première venue. Puis, s'apercevant de la vacuité de la situation, va jouer ailleurs, dans d'autres pays, avec d'autres passions. 
Never agressive, jamais vraiment contrarié et toujours fidèle à lui-même, il ne connaît que la spontanéité. Rachid est un chien, et son intelligence -parce qu'il n'en manque pas- ne saurait être qu'instinctive. Si un jour vous le croisez, donnez-lui une caresse ; pour qu'un jour, peut-être, à travers l'ultime douceur, il se reconnaisse. 









A N D R E A S 

Small penetrating eyes. Mouth standing ready to kiss whoever you want. This mouth, like a plant can sometimes seek nutrients far, far into the earth, is a probe to affection. 
Aborted affection of a mother. Eternal teen, he died with her, died of guilt. Emotionally died. A gray veil has cast on each particle of his life, confering them a bland flavor. A soft gray sail cast on all this, soft silver photography. It's gentle and enveloping, like the belly of a mother. 
Either he indulges in culpability, or he escapes from it. No half measure with the pain, it became his credo. But he never took the time to contemplate it. Buddies, party, drugs, proclaimed permissive and hedonist philosophy : He has thrown away himself in the world to better flee. The intensity of life, he lived it by proxy through Nietzsche. He venerated him for failing to live his life with his own sensitivity.
Female by the body and male by the mind. Subtle creature who asks time to be grasped in its complexity. Sharp consciousness well hidden under a cordial modesty, sometimes deceitful. Mind the step ! The Germanic coldness of the practical sense to forbid a too invasive passion. Because there can be intensity only in commitment. 
Travelling was a quest for his own emotions ; and the more he tried to continue the light, the more it slipped through his fingers, as the horizon disappears the instant it is approached. Paradox of the agnostic. 


Petits yeux pénétrants. Bouche qui se tient prête à embrasser qui vous voudrez. Cette bouche, comme une plante peut parfois chercher des nutriments loin, très loin dans la terre, est une sonde d’affection. Affection avortée d'une mère.
Adolescent éternel, il est mort avec elle, mort de culpabilité. Mort émotionnellement. Un voile gris a été jeté sur chaque particule de sa vie, leur conférant une saveur fade. Un voile gris doux sur tout cela, douce photographie argentique. C'est doux et enveloppant, comme le ventre d'une mère.
Soit il se laisse aller à la culpabilité, soit il s’en échappe. Pas une demi-mesure avec la douleur, c'est devenu son credo. Mais il n'a jamais pris le temps de le contempler. Amis, fête, drogue, philosophie permissive et hédoniste proclamée : il s'est jeté dans le monde pour mieux fuir. L'intensité de la vie, il l'a vécue par procuration à travers Nietzsche. Il le vénérait faute d’avoir vécu sa vie avec sa propre sensibilité.
 Femme par le corps et mâle par l'esprit. Créature subtile qui demande du temps pour être saisie dans sa complexité. Une conscience aiguisée, bien dissimulée sous une modestie cordiale, parfois trompeuse. Prudence ! La froideur germanique du sens pratique empêche une passion trop envahissante. Parce qu'il ne peut y avoir d'intensité que dans l'engagement.
 Voyager était une quête de ses propres émotions ; et plus il essayait de poursuivre la lumière, plus celle-ci lui glissait entre les doigts, comme l'horizon disparaissait au moment où l’on s'en approchait. Paradoxe de l'agnostique.








R I C H A R D . & . D O M I N I Q U E

L'un était de chair, l'autre d'air. Richard, encré dans la matière, portait Dominique, yeux rivés vers les étoiles. Farouche chercheuse de vérité, regard de faucon, avisé ; quelque chose de vaporeux l'enveloppant, trésor éthéré.
Elle avait les yeux rivés vers les étoiles, et faisait de l'art l'étendard de la spiritualité. La sienne, sagesse qu'elle distille du bout des lèvres aux jeunes gens, dans les vapeurs de son être frêle. Corps de fée enrubanné de tissus colorés, souvenirs de ses années de danseuse. Coquelicot un peu flétri.

Générosité sans faille, écoute et curiosité. Façon d'être dévouée, la nature comme pilier. Un peu scout sur les bords, lui aussi il cherche, mais prend des sentiers détournés. L'appétit sexuel est là aussi, prêt à être partagé. Le partage, il ne le donne pas en gage. Il l'incarne, avec une simplicité ayant sans doute été toujours un peu désuète. Ce rôle de médiateur avec la matière, de marche-pied, il l'incarne volontiers ; quitte à voir dans l'ascension de Dominique le reflet de son deuil du plaisir charnel.










C H A R L E N E

Voilà un parcours bien atypique, diversifié. Elle en a accompli des choses, volonté chevillée au coeur d'expérimenter. Crédo spirituel toujours respecté, sans toutefois qu'elle ne sache réellement où aller. Le caractère s'affirme avec l'âge, pied de nez aux médisances passées.
Avec l'âge, on se fait plus fort, n'est-ce pas ? Le caractère s'affirme, et l'individualisme la gagne, comme le vers croque la feuille : Après tout, pourquoi s'emmerder avec la beauté ?
Utilitariste, elle ne laisse rien au hasard. Chaque sou est compté, chaque acte est sous-pesé. Sans parler de son comportement, toujours bien calibré. Yeux de chouette, bouche canine, cheveux d'un roux éternel, sillonnant abondamment les épaules ; sans doute la seule marque de féminité qu'elle s'octroyât.
Les mots sont philosophiques et spirituels. Les mots sont doux, presque maternels. Ils ne coûtent rien. Mais si d'aventure un gouvernement monnayait un jour la gentillesse, pas sûr que ça resterait en l'état. 






M I C H E L


Albatros d'albâtre, immaculé dans son bon mètre 90 et sa taille généreuse, il aimait à répandre le parfum suave de sa volupté sur les têtes, au grès de rencontres à demi fortuites, miroirs réfléchissants de ses petits complexes d'égo. Il aimait que l'on vienne palper les remous de son coeur lessivé pour mieux se dérober, jeu de cache-cache pour grandes personnes.
Jean qui rit, jean qui pleure. Âme comblée, âme contrariée, âme envoûtée. Clown à jamais triste faisant son cinéma, donnant en spectacle ses sautes d'humeur pour mieux en faire la catharsis, n'en finissant pas de dégueuler la prose de son nombrilisme jamais rassasié. Impudique et sublime fuite en avant que le chant.
Mais là où la thérapie opère réellement, l'ultime point d'équilibre se trouve dans la transmission, sa transfiguration à lui. Enseigner le chant revient à faire accoucher quelqu'un de lui-même, sans doute la seule façon dont il fut capable d'aimer autrui, par le truchement d'un procédé presque alchimique dont lui seul a le secret.
Les femmes. Oh, les femmes, caprice de l'esprit turlupiné, amuse-gueule des dimanches après-midi trop longs ! Se contemplant dans leurs yeux de quinquas en quête de sauveur, il croque dans la pomme rouge à pleines dents avant de dire que tout compte fait, non, comme un enfant repousse son assiette avec langueur.







S T E P H A N E

Monsieur Pons n'était pas un monsieur comme les autres. Il avait un travail, mais à l'évidence, s'y ennuyait. Ses aspirations profondes ronflaient dans la vitrine étincelante de son idéalisation. Fantasmes discutés, fantasmes sous-pesés, mais jamais réalisés. Ca, c'était bon pour les artistes.
Monsieur Pons avait une voiture, il l'utilisait pour se rendre à son travail. Parfois quelques cavalcades à la campagne, juste pour rompre avec la monotonie de sa résidence bétonnée.
Monsieur Pons avait eu une femme. Il ne l'avait jamais véritablement aimé, j'veux dire, d'un amour brûlant, pas tiède comme les douches qu'il prenait tous les matins avant d'aller au travail.
Mais cette femme lui avait donné un enfant, et il aimait à y contempler son propre reflet : une intelligence analytique, une intelligence factuelle. Une folie pragmatique !
Mais plus il contemplait ce reflet, à travers ses lunettes réglementaires carrées, plus il y distinguait autre chose. Des ombres dansent dans les prunelles de l'adolescente, des créatures qui l’appellent à devenir ce qu'il est, qui l'appellent à lui. Mais Monsieur Pons communiquait en fait avec ces êtres depuis bien longtemps. Êtres de science-fiction qui lui ont toujours soufflé à l'oreille d'aller chercher, sous les pavés du rationalisme calibré, la plage constellée de ses trésors intérieurs de poésie qui s'ignorent.
A bien y regarder, Monsieur Pons n'avait en fait de "monsieur" que le nom. Le conformisme pour balise, mais l'humain, assurément, pour boussole.





 



  J O S E - P I E R R E

Lutin, mutin, mi-enfant, mi-homme ; décontracté et distingué. Il se balance d'un pied sur l'autre, mais toujours, reste droit, l'équilibre mental bien gardé. Le ton est donné. Il saute d'une aspiration de vie à une autre avec une étonnante souplesse et toujours soutient votre regard, spirituelle caresse.
Androgyne, cette vieille âme assume féminin et masculin sacrés. La question du sexe de l'amour n'a pas tellement de pertinence. Et à vrai dire, il s'accoutume plutôt bien de la contingence.
La vie n'est pas une évidence, c'est un jeu parfois dangereux. Son rôle ? Pas vous faire gagner la partie, mieux, vous apprendre à jouer ; jouer avec la vie sans peur, plutôt que la subir.
Il voit clair en tout, les petites laideurs, les cailloux. Depuis sa naissance, il côtoie des sphères plus éthérées, là où vérité et amour sont en un mot réconciliés. Discernement et beauté. 
Il tutoie les étoiles. Petit, les vieux de par chez lui ne s'y trompent pas, ils le questionnent. Sur tout, en particulier ce qui chiffonne. Peu de choses peuvent nuire à cette acuité car pour tout dire, il sait se mettre en retrait. Piège que de lui courir après ! Là où il est, la bienveillance subsiste. Perché, il l'est. Sur la plus haute falaise, celle qui bénéficie des derniers rayons de lumière lorsque tombe la nuit du doute. 





P A U L

On lui reproche la désobligeance de ses remarques, la rigidité de ses contrepèteries et bien d'autres maladresses encore ; tout cela est désuet, grotesque, hors de propos. Plus que décalé, il demande à être décodé.
Comme la vérité, Paul est nu. Nu au milieu des adultes et de leur cérémonial, attirail de codes sociaux. Pas de courbettes avec lui, c'est peine perdue, il ne les maîtrise pas, il est "aspie".
Paul parle un autre langage, le sien, où l'implicite n'a une place que limitée.
Spontané comme un enfant, issu d'un milieu aisé, sachant s'entourer, l'insouciance, en quelque sorte, il se la permet. C'est à dire qu'il parcourt la vie comme une mouette vole au dessus d'un tsunami. Aérien, tout en pouvant être lourd. Très lourd.
Et tout à coup, il comprend, s'en rend compte, plus de dialogue de sourds ! Il a des fulgurances, ses antennes émotionnelles se mettent en branle et il s'anime comme un pantin de bois. Pinocchio du coeur, insolite, il vous prend dans ses bras.
Pas de vagues. Ses parents lui ont appris à se tenir et ce qu'il convenait de faire. De toute façon, il n'aime pas le conflit, où alors juste pour provoquer un peu... Blagues dont il sait qu'elles tomberont immanquablement à plat dans une conversation, comme un gosse qui frappe à une porte avant de disparaître, à bout de souffle, témoignage de son exploit.
Pas de vagues. Lorsque survient un conflit, il se terre dans le silence, îlot rassurant où les mots, ces pièges de l'implicite, ne pourront plus le faire trébucher.
Prise de risque toujours sous contrôle. L'aventure, mais calibrée. Courageux, il prend le risque de l'humain, non sans rancœur et sans peur du rejet. Extraterrestre asperger, son visage juvénile trahit quoi ? Mais oui, c'est bien ça, de l'innocence et de la bonté.





A U D R E Y

Gentille mais pas poire, elle sait ce qu'elle veut, et le choix des âmes qui partageront sa vie est méticuleux. Malicieuse, on ne la lui fait pas. Son sourire abondant accorde des faveurs sans être béat.
Enfantine, elle enfile comme les perles qui habillent son cou images, mouvements, sons, vêtements, textures et cætera. A tâtons elle y recherche ses racines. Celle d'une Afrique noire qu'avec mille et un outils elle redessine. Musique de bric et de broc. Joyeux bordel chamanique, musique sous le signe du métissage dont elle-même est issue. La scène comme expérience du touche-à-tout.
Gourmande de beauté, certes, mais surtout gourmande d'affection, se laissant si souvent assaillir par le mirage des garçons. Le coeur, toujours un peu égratigné mais toujours, se relever. Elle a déjà beaucoup appris, vaincre sa timidité, tout ça tout ça. La beauté érigée en critère suprême continue de la tromper quand même. Au fond, cet état d'hypnose ne lui déplaît pas.
A l'épreuve des déconvenues, petite Audrey devient femme. Petite Audrey devient femme redoutable, exigeant le meilleur, sinon rien. Aristocratique de la beauté, bientôt elle aussi fera autorité ; princesse, tigresse dans la jungle de la vie, danse des mâchoires acérées. L'inspiration mystérieuse de cet univers improbable dont elle accouche, comme une évidence, l'oeil avisé.






G A B R I E L A 

Elle flâne en bohémienne dans les ruelles obscures de nos états d'âme, vent de liberté espagnol soufflé sur le qu'en dira t-on. Elle se promène de garçon en garçon, butinant à qui mieux mieux pour se connaître à travers eux ; sonder la nature singulière de son être si jeune, et pourtant déjà si sage. Une âme multimillénaire sur laquelle on tombe au détour de bars de nuit hasardeux ; insolite trouvaille, peignoir de soie brodé jeté avec nonchalance sur une chaise.
Mais ne nous formalisons pas sur cette sagesse, à quoi bon la sagesse lorsqu'il n'y a personne à aimer ? A qui se confronter ? La bienveillance est le maître-mot de la jeune fille, et elle la donne abondamment à celui qui ne réclame pas. Le caprice ne "passe pas". Se posant sur les épaules de l'existence de quelqu'un, papillon à la robe pourpre, elle repart aussi vite qu'arrivée lorsqu'elle sent sa liberté menacée. On regarde, mais on ne touche pas. Sauvage, égoïste, pour tout dire, elle s'enfuit, elle s'en fout. L'indépendance, dont elle se revendique avec une fierté insolente, s'en trouve ainsi assurée.
Se fuyant dans les garçons, se fuyant dans les soirées arrosées, se fuyant dans le monde, qu'elle parcourt, aventurière, depuis quelques années déjà... Y cherchant frénétiquement sa place, sa vocation. Difficile de s'adonner à quelque chose lorsque l'on sait tout faire. Son discernement n'a d'égal que la crainte d'apercevoir enfin dans cette lame de rasoir aiguisée son reflet, pour de vrai.







C L A U D E


Petit et trapu par le corps, mais grand par le coeur. Pull en coton trop grand dans lequel on se love par temps de froid sur les frêles espoirs humains. Sensibilité livrée sans attentes, sans délibérations, et surtout pas au nom d'une quelconque morale ; il voulait secrètement cultiver le contact de peau à peau avec les humains avec lesquels il avait un feeling comme on dit, une connexion. Ce contact, la seule attention qu'il s'administra à lui-même en définitive, comme un sérum parant à sa décrépitude sans importance.
Éternel orphelin de l'amour de sa vie, niché dans les vestiges d'une maison où autrefois une famille fut heureuse, le temps s'est arrêté. L'aiguille de l'horloge de sa vie indique avec obstination l'heure de cette séparation avec celle qu'il a érigé en idéal inégalable, impénétrable. Icône de la brune à petits seins, statue trônant dans les limbes de son imaginaire aux saveurs de fruit trop mûr. Un goût de rance qu'il cultive lui aussi, rassurant que ce goût devenu habituel. Désinvolte, non, ce n'est pas le mot. Ses prunelles turquoises de rital gorgées de bienveillance se posent là, font autorité, brillent dans la nuit de son visage buriné par la clope. Toutes ces clopes fumées devant les salles de concert où l'on discute un peu de tout et de rien, et ça suffit très bien ; une manière de picorer les mots sans jamais qu'ils n'échappent à une once de sincérité. Punk et anarchiste pure souche, car au-delà des conventions sociales, il y a l'amour, et le reste, après tout, on s'en fout.  







 L A U R E


Elle dresse des écrans de fumée entre elle et le monde pour le mettre à ses pieds. Imposture diront certains, hypnose, diront d'autres, le résultat est là. Dans son écrin de brume, entourée d'adeptes, réservoir à énergie dont elle nourrit son art, elle ne vit qu'à travers lui, fut-il incompris.
Vampire, certes. Multi-facettes, davantage encore. Elle sait faire valoir l'une et l'autre selon les situations pour les plier à ses désidératas. Bonnie innove et veut subjuguer : une voix sophistiquée sur des nappes froides de synthés. Culture goth. Poésie malade.
A l'autre bout du fil, Lisa presque s'en excuse et joue la carte de l'humilité et de la bienveillance. Avec son air de ne pas y toucher, c'est pourtant elle qui mène la danse en discret maître de cérémonie. Toutes deux se donnent la réplique pour faire taire les frustrations de la troisième, enfouies dans le coffre à double-fond d'un égo qui ne dit pas son nom. Chaque fausse note de la vie sonne comme un désaveu. Elle finit toujours par s'en accommoder, ses rêves effilochés qu'elle fourre au fond de sa poche, le silence comme seul allié.
Le contrôle, c'est cela. De l'image, d'abord, créature sur scène comme dans la vie. De la posture, ensuite ; savoir manipuler les codes, vous savez, cette monnaie d'échange pour obtenir ce que l'on veut des autres. Des paroles... Cela dépend. Pourquoi tant d'énergie lorsqu'un simple regard suffit ?







 A L I


Il traînait ses savates comme le boulet de son mal au monde, aboyant à qui voulait l'entendre que le dépit l'inonde. Il traînait ses guêtres comme un fabuleux clochard aux poches crevées d'étoiles ; les étoiles du verbe haut et de la justice rendue comme seul cadeau, crédo. Entre victimisation, colère rugissante, violence et abnégation, l'abondance, il se l'était juré, pour toujours. L'heure n'était jamais à l'introspection, fadaise pour occidentaux : ses mots se déversaient sur le papier dans un torrent de certitudes, flux vital scintillant au milieu des ténèbres d'un dieu qui a déserté depuis longtemps. Il traînait ses savates en jetant en pâture les pépites de son âme fatiguée : pourvu qu'elles servent aux malheureux, lot de consolation comme un autre. Les marchands du souk vendent des babioles, lui n'a rien à vendre, et le crie à qui veut l'entendre pour asseoir sa liberté ; empereur de la rue, roi des bouts de ficelle, ombre projetée.







G e n e v i è v e


Elle n'appartenait à personne ; pas même à elle-même. Ses mots et son regard sur les choses trahissaient une façon d'habiter son corps bien trop lointaine pour chercher à embrasser quelconque être ou objet en particulier. Animée d'une curiosité aveugle, les yeux grands fermés, elle voguait sur le flux de la vie en rencontrant les êtres comme un enfant cueillerait des mûres au détour d'un sentier, mélange d'indifférence et de bienveillance, détachement sucré. Elle ne disait "oui" à rien ni personne, et lorsque les émotions se faisaient trop encombrantes, elle les balayait d'un revers de nerfs, et cela sonnait le glas de son retour sur Terre.
Son monde à elle se situait dans un ailleurs où son rapport au corps vis à vis de l'espace la faisait fée ; où par la trouvaille de l'évidence du mouvement dans l'instant, l'harmonie du monde tout entier était restaurée. Pour tout dire, elle ne "voguait" pas sur le flux de la vie, elle laissait son corps être traversé par lui. La danse, oasis d'espoir face à l'ingratitude insensée de l'enseignement. Soubresaut, solution de folie s'élançant vers l'ultime abandon, aux confins exotiques de l'exprimable. Oui, elle abandonnait volontiers son cartable, car les mots, très vite, devenaient vains. Elle abandonnait son cartable pour semer des graines de malice dans l'institution du quotidien.