F E U I L L E T O N S

U N E . O I E . B L A N C H E


Le moins que l'on puisse dire est que le copain de Claudine n'avait pas fait dans la dentelle. Lorsqu'il apprit que sa chère et tendre avait perdu son travail, il avait quitté le domicile sans crier gare, en laissant pour toute explication un morceau de papier sur lequel il avait dû noter quelque chose du genre : "Désoler C tro pr moi g besoin dair". En fait, Claudine avait découvert ledit mot le dernier soir de son dernier jour dans l'entreprise de ménage qui avait dû se serrer la ceinture et envisager de menus aménagements dans sa logistique interne, comprenez un plan social ! Alors qu'aux environs de 20h15, comme à son habitude, elle rentrait dans le vestibule et s'empressait d'ouvrir un nouveau paquet de croquettes pour le chat, elle découvrit le morceau de papier posé à côté de la cafetière et sans qu'elle sût exactement pourquoi, senti que sa vie allait prendre là un tournant aussi inattendu... Qu'amer. Car oui, on peut le dire, elle n'avait pas vu grand-chose venir, trop focalisée à retrouver un emploi pour prêter plus d'attention que ça aux signes pourtant avant-coureur d'une trahison. 

A bien y regarder, même si Julien avait toujours participé aux frais de la maison et au paiement du loyer, on ne peut pas dire qu'il s'était mis en ménage par folle passion pour Claudine, mais bien plutôt par commodité. En effet, à presque 40 ans il s'était mis en tête de gagner en stabilité sur les conseils de ses parents, qui ne perdaient jamais une occasion de lui dire ce qu'il était censé faire de sa vie. 


C'est donc un beau jour de mai, alors qu'il sortait de la gare Montparnasse, qu'il avait croisé le regard de cette jolie dame pipi, adossée au guichet des toilettes de ce lieu insolite. Ni une ni deux il avait accosté la trentenaire, lui proposant un petit séjour-éclair dans les cabinets. Trois mois plus tard, ils emménageaient ensemble, dans un appartement choisi par ses parents, faisant honneur à son salaire de manager du KFC de Bussy-Saint-Georges. L'appartement ne se situait pas en plein-Paris, mais tout de même, un 40 m2 en Ile-de-France, ça chiffrait vite ! Julien avait insisté pour louer l'appartement à son nom, et Claudine s'était portée caution. Or, l'individu n'ayant pas donné signe de vie depuis maintenant 2 mois et étant selon les dires des propriétaires insolvable, le loyer était maintenant pour ainsi dire pour sa poire. Claudine enchaînait donc les missions pour des boîtes d'interim, travaillant en tant qu'aide ménagère ou serveuse à l'occasion d'événements festifs. Ces missions étaient pour la plupart renouvelées, mais bien trop espacées dans le temps pour en tirer un revenu digne de ce nom. Les entretiens d'embauche ne portaient pas leurs fruits non plus et voici que Claudine se retrouvait maintenant avec un loyer entier de retard ! Trouver un appartement en île-de-France n'était déjà pas une mince affaire, ajoutez à cela une situation professionnelle instable et vous parviendrez à la conclusion que Claudine était dans le merde ! Impossible de postuler pour un appartement, même plus petit, dans ces conditions... 


Claudine avait alors pris l'habitude de méditer. Oui, méditer, et prier aussi. Même si pour être honnête, elle n'en n'avait pas conscience, ne s'étant jamais posé trente-six mille questions dans la vie jusqu'à présent, suivant le chemin de pensée tout tracé que lui avaient prescrit ses parents et la société. Un chemin vaguement dans la ligne judéo-chrétienne, le sentiment de culpabilité en moins. Un chemin de culture judéo-chrétienne et athée bien ancré dans le quotidien des faits. Ainsi on ne pouvait pas dire que Claudine priait pour se relier à Dieu... Elle priait comme un papillon qui errait de fleur en fleur, à la recherche de quelque chose qui aurait pu lui redonner espoir dans les ténèbres d'une vie sans soutien et sans argent. Aucun imaginaire non plus auquel se raccrocher, Claudine ayant toujours mené une existence pour ainsi dire simple, dans laquelle la seule fantaisie consistait, une fois par mois, à aller se faire manucurer les ongles, bien que ces derniers étaient la plupart du temps dissimulés sous les gants en latex réglementaires imposés aux dames pipi. 


Et voici qu'un soir, alors qu'elle priait et tentait de se relaxer un peu, comme elle en avait pris l'habitude, elle se mit à penser à une personne qu'elle n'avait pas vue depuis longtemps, une personne avec laquelle elle avait perdu contact... Un ami avec qui elle n'était pas fâchée, mais dont la route s'était tout simplement séparée de la sienne. Il fit irruption dans ses pensées et elle se demanda alors si elle aurait des nouvelles de lui un jour... A ce moment-là, tout se passa comme si quelque chose avait pris possession de sa tête. Un grand ciel noir apparu et une ligne verticale faisant le lien de la Terre au ciel frappa à la manière d'un éclair, suivi du chiffre 27 qui lui apparu en blanc. Nous étions ce jour-là le 26 février et lorsqu’elle se réveilla le lendemain aux aurores, elle découvrit le nom de la personne en question affiché sur l’écran de son téléphone, avec la mention “nouveau message”. Claudine en fut sidérée et tout le reste de la journée se déroula d’ailleurs de manière très particulière. A chaque question qu’elle se posait, la réponse lui parvenait, que ce soit par le biais d’un élément extérieur comme un panneau publicitaire ou d’une vision semblable à celle qu’elle avait pu avoir la veille, ou même d’une parole qu’elle pouvait clairement entendre dans sa tête. Claudine perdait-elle la boule ? En dépit du fait que Claudine n’avait jamais été un génie intellectuel, toutes ces réponses qu’elle recevait lui semblaient pourtant cohérentes, concordantes avec la réalité… 


Dans la rue, en sortant de la boulangerie sur le chemin de Pôle emploi (ou plutôt désormais “France travail”), elle s’était par exemple demandé si elle devait prendre à droite ou à gauche. La réponse lui était alors parvenue spontanément, sans même qu’elle eût à insister outre-mesure pour l’obtenir… Une réponse claire et précise : “Il faut prendre à gauche”, si bien qu’elle arriva à destination avec succès sur les instructions de cette mystérieuse voix. Les jours suivants se déroulèrent dans la même ambiance, elle était guidée pour tout et il faut dire que cela lui rendait la vie plus facile. La vie lui souriait enfin après toutes ces galères… Des parents absents, un copain décevant et une condition sociale merdique, même si pour le moment, aucun travail ne pointait son nez à l’horizon. Les visions et les voix, elles, devenaient de plus en plus nettes et il lui arrivait même d’avoir des pressentiments qui se révélaient vrais par la suite, qui se réalisaient. Elle finit par poser clairement la question à cet Uriel (il disait s’appeler ainsi) dans sa tête un matin d’avril, alors que ses finances ne s’amélioraient décidément pas et qu’elle était menacée d’expulsion : “Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à retrouver de travail ?” A cela, elle reçut sans plus attendre une réponse, teintée d’une voix plutôt masculine (car elle pouvait désormais aussi entendre les intonations de voix) : “Ça n'est plus ton chemin.” Claudine s’empressa donc de demander quel genre de reconversion professionnelle l’attendait mais cette fois-ci, elle n’obtint pour toute réponse qu’un silence assourdissant. 


Un peu plus tard dans la journée, elle reçut ce qu’elle avait l’habitude d’appeler un “signe”, ces espèces de réponses aux questions qu’elle se posait dans sa tête, comme elle les appelait… Alors qu’elle rentrait chez elle, elle tomba nez à nez avec un prospectus proposant de la voyance en ligne. Elle qui communiquait désormais quotidiennement avec des êtres mystérieux qu’elle seule pouvait entendre, dont les pressentiments se réalisaient presque toujours, elle qui avait déjà sauvé la vie in-extremis d’un homme ayant manqué de se faire écraser par une voiture, ayant perçu sa mort quelques secondes avant qu’il ne s’engage sur la chaussée, elle à qui ses amies posaient tout un tas de questions sur tout et sur rien… Elle que personne n’avait jamais vraiment écouté, voilà qu’elle songeait désormais à donner des séances de voyance pour guider les gens. Elle était même devenue l’oracle du quartier tant ses prédictions tapaient toujours dans le mille et il n’était pas rare qu’en sortant les poubelles elle se fasse accoster par des voisins qui avaient des questionnements en tête. 


Elle en fit part à ses amies, pour la plupart d’anciennes collègues de travail. Et c’est ainsi qu’une semaine plus tard, ses premiers clients attendaient patiemment sur le canapé du salon, le bouche à oreille fonctionnant de manière assez fulgurante. Subjuguées par la précision chirurgicale des informations que Claudine leur avait fournies, elles leur avaient donné son numéro. Et voilà que cinq personnes se serraient sur ce canapé, agglutinées. En réalité, elles savaient qu’elles n’auraient pas longtemps à attendre, une séance durant 10 minutes en moyenne, tant la fulgurance avec laquelle Claudine percevait les informations était grande. Elle se connectait à la personne et elle recevait. C’est comme si elle n’avait qu’à demander, et la grande manne de l’univers lui répondait instantanément. Certains même venaient avec leur animal de compagnie, Claudine ayant en fait cette capacité de se connecter à n’importe qui ou n’importe quoi, pourvu qu’elle en fasse la demande. Elle pratiquait ainsi la communication animale par télépathie comme on pratique le ping-pong. Le principe était toujours le même : elle se mettait dans un état de calme profond, plaçait son intention sur la personne ou la chose en question et voyait peu à peu arriver à elle des images, des couleurs et des voix qui la guidaient dans ce qu’elle avait à livrer à toutes ces personnes. 


Bientôt, on la sollicita même pour des cas de magie noire à prix d’or. Du nettoyage énergétique d’auras ou de maisons, enlever le mauvais œil, couper les liens invisibles avec des personnes mal-intentionnées… De fil en aiguille, grâce à un contact haut-placé parmi ses clients, elle pu même bientôt changer d’appartement et migrer ni plus ni moins que dans l’un des immeubles les plus prestigieux de la ville de Paris. L’immeuble en question ne ressemblait pas aux autres immeubles haussmanniens alentour. On avait démoli ce qu’il y avait auparavant pour remplacer cela par un immeuble à l’architecture plutôt futuriste et d’un blanc immaculé. Elle occupait pour ainsi dire l’étage complet, on avait grandement insisté pour la placer là, et ayant désormais un compte en banque n’ayant rien à envier à celui d’un patron d’une moyenne entreprise se portant bien, elle pouvait se le permettre. 


Un soir, alors qu’elle revenait d’une soirée bien arrosée dans un hôtel particulier du Xème arrondissement, elle tomba nez à nez avec son voisin du dessus, en l’occurrence celui qui habitait le dernier étage. Ce dernier, très jovial et séduisant, l’invita à aller boire un café. Un café à 2h46 du matin ? Qu’importe, Claudine était bourrée et il faut ajouter aussi que cela faisait pas mal de temps qu’elle n’avait pas cédé aux charmes de la gent masculine… Elle accepta donc son étrange invitation et la voilà maintenant qui sirotait un énième verre de Gin avec son voisin, ou plutôt le PDG d’une grosse boîte du CAC 40. Il lui exposa assez vite la situation délicate dans laquelle il se trouvait et Claudine, toujours aussi bourrée, acquiesçait, tandis que cet homme plongeait ses yeux verts dans les siens, cet homme qui avait du charme et le savait. 

Cet homme charismatique et brillant qui avait, disait-il, gravi les échelons par le fruit de son travail… Claudine acquiesçait, et alors que l’homme approchait sa bouche de la sienne, devenait quand même de plus en plus nerveuse. Il correspondait en tout point à ce qu’elle avait toujours attendu d’un homme, et elle se sentait flattée qu’il puisse avoir ne serait-ce qu’une once de considération pour elle. Etait-ce là comme on dirait le coup de foudre ? Claudine se sentait décidément pousser des ailes avec cette nouvelle vie et les étranges facultés qu’elle avait développé… Elle était une sorte de Cendrillon du 21ème siècle. Espérons juste qu’elle n’ait pas atterri au bal des vampires. 


Cet homme mûr d’une cinquantaine d’années qui avait fait fortune dans l'aéronautique venait de l’embrasser sur la bouche. Là, sur le sofa en peau de vison, il venait de poser ses lèvres sur celles de Claudine, la dame pipi de la gare Montparnasse. Elle était toujours sous l'emprise de l'alcool, mais cet épisode l'avait en quelque sorte ramenée sur un autre petit nuage... Celui de la passion et il faut bien le dire aussi, de la dépendance affective, tant Claudine, même après ses prouesses reconnues, manquait d’assurance en elle-même. Elle tenta de se redonner une contenance en tripotant son nouveau sac Chanel. Il ne lui plaisait pas vraiment mais c'était paraît-il l'élément à avoir dans le milieu qu'elle fréquentait désormais. 


Gérald avait changé de ton. C’était son prénom… D’un ton empreint d’intimité, il était passé à un ton plus ferme et plus sonore. Pour un peu, elle se serait cru à l’une de ces réunions avec l’un de ses managers les plus haut placés de la boîte de ménage pour laquelle travaillait, gare Montparnasse. Il lui parlait d’une personne qu’il voulait selon ses dires “éliminer”. Claudine fut un peu choquée par le terme employé… Cette personne était soit-disant nocive pour la santé de son entreprise pour des raisons qu’elle n’avait pas bien compris et qu’elle ne voulait pas non plus bien comprendre, hypnotisée par le son de sa voix et les yeux émeraudes de Gérald. Seulement, cette personne ne détenait pas moins de 40% des parts de l’entreprise, ce qui la rendait tout simplement intouchable, à moins de pouvoir l’impacter psychiquement, et c’est là que Claudine entrait en piste. Claudine avait déjà fait des miracles en désamorçant un nombre impressionnant de rituels de magie noire et en chassant des entités venues des ténèbres pour ne plus qu’elles aillent vampiriser l’énergie d’une pauvre victime. 


Mais comment Gérald savait-il tout cela ? Ça en faisait beaucoup, pour un simple voisin… “Quelque chose ne tourne pas rond”, pensa-t-elle confusément. Seulement, force était de constater qu’elle n’arrivait plus à détacher son regard de Gérald. Cet homme qui avait tout pour lui l’aimantait, et face à son discours plein de mots sophistiqués et son visage aux proportions harmonieuses, elle se retrouvait un peu comme une adolescente connaissant le premier amour. L’oie blanche qu’elle avait toujours été allait-elle signer ce contrat aux termes plus qu’obscurs ? En réalité, elle y avait à peine jeté un œil… L’objectif était clairement de faire tomber cet adversaire par quelques rituels de magie dont elle était maintenant familière. A dire vrai, elle ne les avait jamais pratiqué, sans doute car aucune occasion ne s’y était prêté, mais maintenant qu’elle regardait l’homme qui lui avait fait l’honneur de l’inviter dans sa demeure à boire un dernier verre, sa vision des choses était peut-être bien en train de changer. Sa peur aussi, celle de recevoir un retour de bâton… Car un beau jour, et intuitivement elle le savait, tout se paye, même dans le monde de l’invisible, si ça n’était pas d’ailleurs encore plus dans ce monde là ! Elle allait, ce faisant peut-être, se métamorphoser en une sorcière très puissante, influençant le monde de la finance comme l’on joue aux marionnettes. Elle qui tout au long de sa vie n’avait jamais eu que des rôles disgracieux ou des seconds rôles, avait peut-être une chance de passer au premier plan. Elle qui n’avait jamais su faire comprendre à la gent humaine que sa gentillesse n’était pas de la faiblesse, allait avoir en quelque sorte sa revanche, puisqu’il allait en être tout bonnement fini, de la gentillesse ! 


Claudine prétexta alors une envie urgente d’aller aux petits coins. Arrivée dans le dit lieu, recouvert de marbre sculpté de bas en haut, elle se passa un coup de blush sur les joues, galba les seins, redressa le buste avant de faire irruption dans le petit salon de son nouvel ami, un sourire triomphant sur les lèvres. Deux verres de champagne étaient maintenant posés de part et d’autre d’une pochette en cuir sertie d’émeraudes. Elle fit frapper sur le tapis ses talons aiguilles pour s'avancer jusqu'à elle, éclata d’un rire strident à la limite de l'obscène, saisi les feuilles contenues dans cette pochette à pleines mains et les parapha dans la foulée avec le stylo travaillé à la feuille d’or prévu à cet effet. Le contrat était déjà prêt, et peut-être bien prêt depuis des semaines. Claudine était bourrée, mais pas dupe. Son sourire s’élargit encore, sa lèvre supérieure se retroussant une fraction de seconde sur une dent que l’on aurait juré pointue.





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COMMENT FAIRE FORTUNE EN TANT QUE DETECTIVE PRIVÉ?  


Pierre-Roger n'était pas un étudiant comme les autres. Rat de laboratoire invétéré, il trouvait toujours du temps libre pour d’obscures pérégrinations scientifiques en parallèle de son cursus de chimie à l'université Paul Sabatier située à Toulouse. 

Ce cursus, vous l'aurez compris, ne représentait qu'environ 15% de son temps libre, entièrement consacré à son unique préoccupation, qui était devenue obsessionnelle. Traquer les criminels et si possible les identifier avant que le mal ne soit fait. Voilà pourquoi il s'acharnait depuis tant d'années à mettre au point ce système que des milliers ou peut-être même des millions avaient imaginé avant lui. Un système consistant à travailler à une solution qui pourrait, par le truchement des miracles de la chimie, contracter ou déployer des membres humains à l'envie pour qu'un jour, qui sait, un corps suffisamment diminué puisse se glisser dans l'intimité du prochain tueur en série en date ?

A force d'essais, et aussi grâce à un puissant système de tracking que lui avait mis au point Frédéric, l'un de ses meilleurs amis, dont les compétences en informatique tout autant que les obsessions n'étaient plus à démontrer,  il avait pu ainsi percer le secret d'une équation mathématique inconnue du public à l'exception du FBI et autres autorités dédiées à la communication extraterrestre. 

Or, cette équation, il s'était empressé de la mettre en musique en réunissant les produits nécessaires à la confection de cette solution, et ce dans un délai tout à fait raisonnable. 

Pierre-Roger était pour ainsi dire devenu tout aussi obsessionnel que ses proies, et le résultat ne s'était pas fait attendre. Coup de bol ou intelligence supérieure à la moyenne, un mois seulement à compter de la découverte de cette équation, la solution était prête à l'emploi. Et les cobayes aussi... 

Claire et Benjamin avaient en effet répondu à une obscure annonce parue sur un blog associé au site Internet de Paul Sabatier. L'occupation d'un travail à plein-temps n'était pas à l'ordre du jour, dans le sens où comme tous bons étudiants qui se respectent, ils étaient quelque peu fainéants. Qui plus est, un travail en ligne bien souvent, se devait d'être déclaré, et on ne peut pas dire que l'honnêteté non plus eut été un critère décisif pour choisir un travail. 

C'est ainsi qu'un après-midi d'octobre, ils s'étaient retrouvés à la cafèt pour prendre connaissance des ambitions de Pierre-Roger. Munis d'un calepin et d'un stylo à la demande ce dernier, ils se tenaient prêts à prendre note du travail sans doute le plus incongru qu'ils réaliseraient de toute leur vie pour la menue somme de 10 000 euros chacun, ce qui, lorsqu'on avait été doté dès la naissance d'un gros poil dans la main, n'était pas une somme négligeable. 

Pierre Roger, sans s'étendre sur des considérations d'ordre moral ou politique, leur avait donc d'entrée de jeu annoncé sa problématique : il voulait leur administrer la solution qu'il avait mise au point pour qu'il pénètrent dans l'habitat d'un étudiant en ingénierie informatique dont il soupçonnait les méfaits. Ce dernier, d'origine hindoue, sous des dehors calmes et désinvoltes, menait il en était sûr une double-vie et s'adonnait à des jeux pervers. Il multipliait les faux comptes Facebook et Intagram pour tenter d'approcher quelque proie féminine au moyen de photos soit-disant alléchantes et surtout, dans l'air du temps. Mais voilà que ces derniers mois, il semblait qu’il avait multiplié les conquêtes, allant même jusqu'à hacker le profil de certaines trouvailles de son cru pour lesquelles il avait développé une obsession quelque peu contraignante, le forçant à aller scruter les conversations de ces demoiselles avec les élus de leur coeur à raison d'au moins cinq fois par semaine chacune à heures fixes. 

Si cela ne s'en n'était tenu qu'à des tocs journaliers, cela aurait pu entrer dans la limite du tolérable, mais voilà qu'il s'était mis aussi à aborder ces dernières via lesdits faux profils, s'infiltrant l'air de rien dans les conversations des unes et des autres à force de ruses et autres stratagèmes informatiques, leur proposant quelque rendez-vous fortuit au prétexte d'échanges de bons procédés... Qu'en était-il advenu de ces filles après ces rendez-vous, nul vraiment ne le savait, pas même Pierre-Roger, qui n'avait pas poussé le vice jusqu'à demander à son ami de se rendre subrepticement sur les profils de ces gentes demoiselles pour vérifier qu'elles étaient toutes saines et sauves... Tout ce qu'il avait pu remarquer est que leurs profils s'étaient mystérieusement parés, ultérieurement à ces rendez-vous, de photos et autres citations qui n'avaient pas grand chose à voir avec ce qui avait pu être posté auparavant... 

Cela faisait des semaines que ces profils s'étaient parés d'images plus bizarres les uns que les autres... Quand ça n'étaient pas des animaux habillés, on y trouvait des publicités pour du viagra ou encore de la coke. Toutes ces demoiselles s'étaient donc t-elles soudainement mises à verser dans le dark net ? Il en doutait sérieusement. 

C'est pourquoi, aux alentours de 4h du matin, il sauta le pas et envoya un texto aux deux étudiants, leur demandant de se rendre au plus vite le lendemain dans la cave du seul ami qu'il eu jamais eu de sa vie, Frédéric, lequel il avait connu au club d'échec de sa même université. Il voulait pénétrer dans les lieux de cet étudiant en informatique par le biais de ses camarades, et ainsi percer le secret de la folie soudaine qui s'était emparée des jeunes filles. 

L'opération s'était plutôt passée dans de bonnes conditions, et le nectar ingurgité, les deux énergumènes avaient rétréci suffisamment pour atteindre la taille de souriceaux frêles et sveltes. Et voilà qu'ils se faufilaient maintenant dans une canalisation menant au studio de l'étudiant en question. C'est qu'il avait minutieusement étudié les plans de la ville en la matière, atteignant des sommets en matière d'obsession que son adversaire ne pouvait désormais plus lui envier. 

Les deux créatures galopaient donc en direction du studio de l’étudiant hindou qu’ils découvrirent en train de se masturber sur la photo d’une jeune fille, apparaissant trois fois en plein écran, l’individu possédant trois ordinateurs. Une crème lubrifiante était posée sur son bureau où chaque chose d’ailleurs était rangée à sa place, y compris les sachets de shit et de kétamine qu’il consommait quotidiennement lors de ses sorties nocturnes. Une vie de luxure et de dépravation que Pamit avait pris soin d’orchestrer de façon méticuleuse. 

Mais François-Xavier n’avait pas rencontré Claire et benjamin par hasard. Stalker invétéré lui aussi, il s’était en fait arrangé pour que ces derniers tombent sur l’annonce qu’il avait rédigé tout spécialement pour eux, dont il avait étudié le profil au préalable, les ayant pris en filature depuis un bon bout de temps. Au vu de leur QI et de leur excentricité certaine, il savait en effet que ces derniers répondraient à cette offre. Et il se trouve qu’il connaissait aussi leurs finances, ayant remarqué durant la pause de midi lorsqu’ils étaient dans les parages (il avait bien sûr étudié leurs emplois du temps dans les moindres détails) que leur déjeuner ne se réduisait bien souvent qu’à une portion de pâtes sans autre accompagnement qu’une sauce en pot. Et pourquoi Claire et Benjamin se trouvaient être dans cette dèch’ complète ? Probablement parce que ces deux étudiants étaient un petit peu trop en dehors des clous pour se faire à la redondance et au non-sens d’un travail au Mcdonald’s, et c’est entre autres l’une des raisons pour lesquelles il avait jeté son dévolu sur eux. 

Les deux comparses attendirent donc patiemment que l’informaticien ait terminé son affaire pour observer la suite des événements. Ils l’observèrent donc, ayant la vue assez aiguisée étant donné leurs attributs de souris pour mieux comprendre ce qui se tramait là. L’étudiant hindou, d’après ce qu’ils avaient pu comprendre, lorsqu’il n’était pas au téléphone avec sa famille ou ne se bourrait pas la gueule avec des amis qui n’en n’étaient pas vraiment, passait le plus clair de son temps à parcourir les fils de conversations qu’il avait eu avec des filles qu’il dénichait sur des applications de rencontres. Tout semblait bien se passer, puisque le physique du jeune garçon avait plutôt du succès, du moins jusqu’à ce que ce qu’elles le rencontrent dans la vraie vie. Il est vrai que son attitude obsessionnelle doublée d’une introversion et d’un sens du contrôle de l’autre pour le moins exacerbés ne les mettaient pas vraiment en confiance, et elles prétextaient alors un empêchement pour mettre un terme rapide à l’entretien. 

A d’autres moments, lorsque par chance le rendez-vous allait plus loin et qu’il arrivait à attirer ses proies dans sa chambre d’étudiant, elles finissaient quand même par lui passer entre les doigts, alertées par une addiction au sexe et à la drogue qu’il essayait pourtant de dissimuler derrière une apparence décontractée et d’épaisses lunettes derrière lesquelles il les dévorait du regard. En effet, malgré ses efforts pour les mettre en confiance, en tout cas assez pour que certaines le suivent jusque chez lui dans son appartement du centre-ville, il était rattrapé par ses réflexes, qui consistaient à mettre soudainement à ses nouvelles amies une main au cul sans crier gare. Il lui arrivait aussi de sortir précipitamment un sachet de kétamine et de se mettre à sniffer un rail sans d’autre introduction préalable que “j’espère que tu comprendras” ; ce qui n’était pas pour rassurer ses camarades de jeu non plus. 

Et au fil de semaines d’observation, le moins que l’on puisse dire est que les choses n’allèrent pas en s’améliorant. Plus l’étudiant devenait accro aux drogues dures, moins il avait de mal à camoufler son appétit sexuel et plus il cumulait les déboires amoureux. Tout ceci le poussa bientôt à organiser des fêtes dans l’appartement qu’il louait en plein coeur de Toulouse pour se sentir moins seul. Seul, il avait en effet l’impression de dépérir. Bien vite, des pensées d’angoisse sur le sens de l’existence firent irruption dans sa tête et le seul moyen qu’il trouvait pour échapper à ce vide sidéral était de jouer à des jeux de construction d’avions virtuels ou encore… De se vouer à ses addictions. 

De leur côté, Claire et Benjamin, bien que grassement payés par François-Xavier, commençaient à trouver le temps long, reclus dans l’appartement de l’étudiant hindou. Non pas qu’ils n’appréciaient pas le poulet au curry mais qu’on ne pouvait pas dire que la vie de ce dernier fut des plus passionnantes qui soient. Et plus le temps passait, plus ils se questionnaient sur leurs chances de retrouver une apparence humaine un jour. Préalablement à la mission, François-Xavier leur avait donné un bel acompte, là n’était pas la question. Mais que se passerait-il si le produit qu’avait mis au point l’étudiant pour un retour à la vie humaine ne fonctionnait plus ? 

Le problème était le suivant : ils n’étaient pas parvenus au bout de leur mission. N’avaient pas découvert le pourquoi de la transformation soudaine des profils de ces jeunes filles. Et pourtant, force était de constater qu’ils ne pouvaient plus vivre dans ces conditions. A vrai dire, au début, cet état animal leur avait plu, et il n’était pas rare qu’ils se baladent dans tout l’immeuble pour espionner les autres voisins, volant au passage des victuailles dans leurs cuisines qu’ils n’auraient jamais eu les moyens de se payer en temps normal. Les bijoux, eux, se révélaient trop compliqués à dérober, si bien qu’ils s’étaient contentés d’une dizaine de bagues qu’ils avaient planqué dans une pièce attenante de la chambre de l’étudiant, remplie de teinture pour cheveux, de magazines pornographiques et de gadgets à caractère fétichiste. Rien qui puisse cependant augurer que Pamit puisse tomber dans des travers criminels, comme se prenait à le croire François-Xavier. L’étudiant était simplement obsessionnel et frustré, pas de quoi en faire tout un fromage. 

Bref, au début être des souris avait été rigolo, mais voilà que l’usage de la parole et la socialisation en général devenaient pressantes. Cependant, la veille du jour où ils s’apprêtaient à regagner les pénates de François-Xavier plus tôt que prévu, ils découvrirent quelque chose d’intéressant. Il se trouve que l’étudiant piratait maintenant les comptes Tik tok des jeunes filles ayant refusé ses avances pour y afficher des photos à son effigie. Mieux encore, il allait jusqu’à inventer des conversations entre lui et elles dans lesquelles il mettait en scène des jeux de séduction cousus de fils blancs en répondant à leur place à ses propres messages. Or, bien sûr, dans lesdites conversations, il parvenait toujours à ses fins, à savoir les mettre dans son lit. Est-ce que l’étudiant allait commettre un viol ou un crime pour autant ? Il paraissait très frustré de ces rejets à répétition, mais semblait tout de même trouver quelque réconfort dans les échanges fantasmés avec ces femmes. 

Après obtention de cette information décisive, ils décidèrent donc de retourner au domicile de François-Xavier, le retrouvant avec beaucoup d’aisance grâce à leur sens de l’orientation désormais bien aiguisé. Il l’attendirent patiemment à son domicile, grignotant des miettes de pizza qui gisaient sur son bureau. A la fin de la journée, remplie de conférences et de séminaires, (François-Xavier était déjà entré en thèse alors même qu’il n’avait même pas 20 ans) il déboula. Il posa négligemment sa sacoche sur son lit, se fit du café dans la bouilloire trônant sur sa table de chevet et commença une partie d’échecs. Pour dire vrai, François-Xavier n’était pas studieux pour un sou et savait qu’il pouvait se le permettre. Pourquoi travailler en dehors des cours lorsqu’on est capable de réciter leur contenu presque mot pour mot rien qu’en les entendant ? 

C’est alors que Claire et Benjamin se rappelèrent à son bon souvenir, faisant irruption sur son clavier d’ordinateur. Seulement, pour lui délivrer le fruit de leurs découvertes, il leur fallait reprendre une apparence humaine et c’est la raison pour laquelle ils se mirent bientôt à sautiller pour indiquer à l’étudiant sans détour qu’ils comptaient bien reprendre leur liberté un jour. Surpris par leur arrivée prématurée, il s’interrompit dans ses amusements. Privés de la parole, ils lui firent comprendre bientôt par des gestes saccadés qu’ils attendaient avec impatience le nectar qui les ferait redevenir humains. 

  • Les amis, on va avoir un petit problème, j’ai l’impression… Je pensais que pour vous rendre l’apparence humaine, il me fallait simplement ajouter du fluor à la solution initiale, mais c’est un peu plus compliqué que ça, en fin de compte… 

Claire et Benjamin à ces mots changèrent de tête et même s’ils ne parvenaient pas à s’exprimer, il compris qu’il avait tout intérêt à leur apporter des informations complémentaires. 

  • Non mais pas de panique, je suis à deux doigts de trouver la solution ! Reprit-il. Faites-moi confiance. 

Les deux créatures ne pipèrent mot, mais se mirent clairement à tressaillir. Des semaines durant, en attendant que François-Xavier réussissent enfin son coup, elles durent tenter de reprendre une vie normale. Claire et Benjamin retournèrent donc en cours, sauf qu’au lieu de prendre place sur les bancs de l’amphithéâtre, scrutaient le tableau blanc depuis le sol. En effet, mieux valait jouer la prudence et se cacher, les souris n’ayant pas très bonne réputation. Une fois, à la sortie d’un cours de psychologie du travail, ils surprirent deux de leurs camarades de promo qui s'interrogeaient sur leur mystérieuse disparition, en profitant au passage pour baver un peu sur eux et leurs résultats au premier semestre “pas si bons que ça”. 

Pour tout dire, ils commençaient sérieusement à haïr François-Xavier, qui leur avait assuré qu’il avait la solution retour mais qui pour finir, les avait peut-être bercé de jolis mots… Et tout ça pour un étudiant hindou en détresse affective et sexuelle. Il le détestait d’autant plus que leur vie d’humain leur manquait, sans parler de leurs proches, qui s’inquiétaient pour le moins de leur silence. François-Xavier et eux avaient maintenant instauré un code de communication fait de mimiques et de bruits en tout genre le temps de retrouver l’usage de la parole humaine. En effet, des mots s’avéraient ardus à prononcer avec la morphologie qui était la leur. François-Xavier joua donc le rôle de traducteur au téléphone pour leurs proches, n’hésitant pas à ponctuer son récit de gros mensonges au sujet de l’état de santé de leurs comparses. 

Les semaines passèrent sans la moindre amélioration à l’horizon. Et c’est ainsi qu’ils tombèrent d’accord tous trois sur le fait que quitte à se retrouver dans ce type de situations, autant que cela fut utile. Non pas que Claire et Benjamin ne nourrissaient pas de rancœur à l’égard de François-Xavier, mais qu’ils avaient choisi d’adopter en pareille situation une attitude… pragmatique. 

Or, il se trouve que François-Xavier, ne pouvant s’empêcher d’espionner les autres -et s’offrant le luxe de ne jamais travailler ses cours- avait pris en filature une autre personne dont il soupçonnait les méfaits à venir. Il s’agissait cette fois-ci d’une femme, d’une femme qui ne payait pas de mine et qui pourtant, lui faisait froid dans le dos. Cette femme était brune et discrète et habitait l’un des immeubles les plus prestigieux de Paris. Dès le premier jour où il l’avait suivie, au cours de ses pérégrinations au musée du Louvre où il avait l’habitude de flâner le dimanche, il avait senti que quelque chose ne collait pas. François-Xavier ne faisait pas d’études de sciences humaines, mais il avait pourtant constaté qu’il y avait un décalage entre l’attitude de cette femme et le milieu social aisé dans lequel elle évoluait, à en juger par son langage non-verbal. Au fil du temps, il s’était renseigné sur son compte, fréquentant les même bars où elle allait prendre son café matinal, pas pressé d’accomplir les diverses tâches de la journée, comme toute bourgeoise qui se respecte. Elle s’appelait Claudine Daumartin et il avait, par on ne sait quel tour de passe-passe, réussi à obtenir l’information qu’elle était autrefois dame pipi à la gare Montparnasse, avant de poursuivre une carrière dans la voyance, avec quelques businessmen douteux dont elle taisait volontairement le nom en public lorsqu’elle se pavanait dans les bars à tapas huppés de Paris…

Toujours est-il qu’après quelque temps de recherches, François-Xavier réussi à mettre au point une solution pour que Claire et Benjamin s’en retournent à un statut humain. Cependant les nouvelles ne s’avèrent-elles pas aussi bonnes que cela. 

  • Bon, j’ai enfin trouvé une solution pour vous, mais autant vous dire qu’elle ne sera pas sans effets collatéraux… Prévint-il d’emblée. 

Les deux créatures étaient purement et simplement pendues à ses lèvres, ne pouvant s’exprimer en langage humain mais comprenant mot pour mot ce que François-Xavier leur expliquait là. 

  • J’ai mis au point un produit pour vous faire retrouver un corps humain, mais concernant les dimensions, c’est une autre paire de manches… Poursuivit-il. 

  • Quoi ? Bafouillèrent les deux comparses en langage souris. 

  • Eh bien, si comme on le dit communément, dans la nature rien ne se perd et tout se transforme, la matière qui n’a plus été en vous après votre métamorphose n’a techniquement pas disparue… Mais il m’est impossible de la retrouver ! Je veux dire, je ne peux créer de matière ex-nihilo, vous voyez…

  • Et tu ne pouvais pas y penser avant ? S’empressèrent-ils de demander en sautillant de part et d’autre de son bureau encombré par les boîtes de pizza. 

  • Disons que j’ai eu comme un excès d’égo sur ce coup là sur ce coup là, on dirait… J’étais vraiment persuadé de réussir mon coup. Mais c’est vrai que techniquement, je ne vois pas comment récupérer la matière en question… Alors, je vais pas y aller par quatre chemins : vous voulez que je cherche une autre solution, tout en sachant que je peut me rater, ou vous voulez redevenir des humains… Un peu spéciaux, on va dire ? 

“Un peu spéciaux” ?! A ces mots, ils sautillèrent à nouveau pour marquer leur surprise et leur désapprobation. Claire mordilla nerveusement un carton de pizza. Une attitude de rongeur, en somme…

Benjamin s’exprima enfin, à sa manière, distordant un semblant de lèvres pour bégayer ces dires : 

“On en a marre d’attendre. Ca fait déjà deux mois qu’on est coincé dans ces corps et c’est juste terrible… Sors-nous de là et on verra pour la suite plus tard.”, dit-il à peu près, le regard sombre. 

François-Xavier ne se fit pas prier et leur administra la solution. Celle-ci était d’un violet vif et on ne peut pas dire qu’elle leur inspira confiance, mais en désespoir de cause, ils l’ingurgitèrent quand même. Claire se métamorphosa tout de suite, quand Benjamin restait dans le même état pendant au moins 19 secondes. Leurs poils tombèrent un à un, découvrant ainsi une peau rose en ébullition sous l’effet du liquide. Leurs yeux changèrent également d’aspect et bientôt, on pût distinguer le visage ovale et le nez aquilin de Claire… En quinze fois plus petit qu’il était censé être. Benjamin ne tarda pas non plus à subir le même sort. 

Pour tout dire, et soyons clairs là-dessus, François-Xavier savait pertinemment depuis le début qu’il ne pourrait jamais rendre à ces larrons leurs apparences d’origine. Car voyez-vous, il n’était pas complètement stupide, voire même carrément génial. Et c’est entre autres choses la raison pour laquelle il avait eu l’idée de devenir le détective privé le plus riche de la planète, grâce à l’aide de ses deux fabuleux petits acolytes. Et ce rêve ne tarda pas à se concrétiser avec le fameux cas Claudine, dont il ne tarda pas à découvrir, avec leur aide précieuse -il faut dire qu’il les payait grassement grâce au hacking d’une plateforme de jeux en ligne- qu’elle verser dans la magie noire. Autant dire qu’il avait développé des techniques de filature tellement redoutables grâce à ses deux espions qu’il recevait maintenant des demandes d’enquête de partout dans le monde, et il ne cessait donc jamais de voyager avec les deux humains miniatures ; Claire et Benjamin se glissaient dans le petit sac de voyage qu’il prenait soin d’emporter avec lui dans l’avion et le tour était joué ! Les demandes étaient toutes plus fantasques les unes que les autres, et le cas Claudine Daumartin ne dérogeait pas à la règle ! Le problème étant qu’il ne pouvait espérer un jour faire exploser l’affaire, la magie noire n’ayant rien d’illégal aux yeux de la justice française…