L'amour charnel a ceci d'éternellement frustrant qu'il se rapproche du tao sans jamais pouvoir l'atteindre. Amour corps et âme, amour fort, amour complet, amour parfait ? Pariant là dessus, il tente de s'y hisser de toutes ses forces, fier, vaillant. Mais cette toute-puissance n'est qu'un change qui est donné. L'amour charnel est un amour qui place la joie dans l'exhaustivité ou l'appartenance. Il place la joie pour ainsi dire dans le plein. Oui, l'amour charnel aimerait combler les attentes, toutes les attentes. Et il se fait pour ce faire le chantre de l'épaisseur et de la sécurité. Le tao, champ quantique des possibles de l'univers, les recelant toutes en lui, les annule de fait. Et c'est par cette opération des passions que le vide devient joie, que le vide devient non pas plein, mais plénitude.

Existe t-il des personnes plus "logiques" que d'autres ?
Assurément, non. Cette capacité de déduction ou d'induction, cette capacité à manipuler des termes pour en extraire un raisonnement se trouve chez tout un chacun, mais pas de la même façon.
Ce qui varie est la nature de ces termes, qui peuvent être qualitatifs ou quantitatifs et les process logiques qu'ils impliquent.
Les chiffres, dont le signifié est contingent et relève complètement du domaine non-sensible et les mots, qui recèlent une signification intrinsèque en désignant des réalités du monde matériel ou conceptuel.
Les "scientifiques" s'accommodent davantage de l'abstraction, dans le sens où ils sont capables d'appréhender une réalité sans avoir à attribuer de sens à des signes pour les interpréter. Ces signes acquerront une signification en vertu de leur juxtaposition mathématique uniquement. D'ici là, il faudra donc savoir les appréhender de façon totalement abstraite pour se repérer dans les différentes étapes du process, celles qui mènent à la conclusion plus concrète portant sur la nature.
Les "littéraires" jonglent tout aussi bien avec les signes. La différence fondamentale réside dans le fait que les opérations logiques, qui s'inscrivent dans un process global ne relèvent pas de la déduction comme dans les sciences de la nature, mais de l'induction : On part du concret de la lecture d'un texte ou de l'observation d'un environnement pour en extraire une vérité plus générale. Les axiomes du process en question, qui sont des mots choisis, et non imposés comme dans tout calcul mathématique par la valeur d'une chose, sont ainsi réputés moins rigoureux.
L'expérience est un challenge que nous nous lançons pour nous faire grandir. Avec la complicité de l'univers, notre âme attire à elle des situations ou des personnes qui vont venir ébranler les certitudes pour les replacer sous le règne de la loi fondamentale de l'impermanence dont nous parle le taoïsme, mais aussi la physique quantique.

Parfois, l'envie d'expérimenter a une source différente. Pas celle de l'âme, mais de l'homme lui-même, avec ses névroses et le besoin de les compenser qui va avec. Il se fait alors anthropologue du monde, aventurier de l'extrême. Au nom de l'intensité de la vie, il élève au rang de beauté le plaisir, au rang de morale l'adrénaline et au rang d'amour la passion. C'est toujours au prix de l'anéantissement de ses propres codes qu'il en explore d'autres, toujours plus exotiques, toujours plus dangereux. Il se remplit du monde, laissant son jardin secret inerte, en friche. Il va chercher à l'extérieur ce qu'il n'est plus capable de se donner à lui-même : des balises, mieux, des idéaux pour circuler dans les limbes du psychisme humain et de la laideur.

L'expérience est érigée en ultime finalité. Le questionnement devient religion lorsque les réponses manquent à l'appel. Il s'immerge dans ce qu'il pense être une esthétique de la vie pour mieux s'y perdre. Les portes du SAS moral sont franchies. Elles donnent sur un très long couloir, en vérité infini. Ses murs sont bariolés, et au fur et à mesure de la course curieuse, se ternissent, jusqu'à le plonger dans une épaisse obscurité. Elle le rassure, il s'y love, s'y cache. Parfois il rencontre des corps, et il arrive qu'ils se touchent, à tâtons. Il arrive qu'ils se tripotent, aussi. C'est devenu leur seule manière de communiquer. D'expérience en expérience, les murs porteurs psychologiques de ce qui pouvait encore faire sens en lui s'écroulent. Des corps tentent de circuler sous les décombres, vers de terre hédonistes, vers de terre nihilistes.

Les contrastes. Qu'ils soient émotionnels ou conceptuels. Voilà ce qui fascine, voilà ce qui stimule. Ce sont eux qui vont mettre du relief dans la tiédeur du confort et du prêt-à-penser, tiédeur écoeurante d'un ventre faible. Repus avant même d'avoir mangé, expérimenté. 
Qu'il s'agisse des montagnes russes de nos affects ou de l'association incongrue de deux choses a priori totalement hétérogènes, voilà ce qui stimule, pour le meilleur et pour le pire.

Les contrastes émotionnels, dont le paroxysme est souvent confondu avec l'amour charnel, nous retiennent éveillés. Les contrastes conceptuels, eux, constituent le moteur de l'innovation artistique. 
La danse contemporaine ou la philosophie des sciences en sont des exemples fabuleux. La danse contemporaine associe une géométrie implacable des déplacements, rigueur héritée de la danse classique, à une folie expérimentale. Celle-ci s'efforce d'introduire sans cesse des rythmiques, des mouvements et une occupation de l'espace ainsi qu'une association des trois qui osent, à défaut de renouveler intégralement le rapport du corps à la scène. 
La philosophie des sciences est très particulière. En introduisant du sens dans les sciences, en la faisant se questionner sur le "pourquoi ?" de l'anthropie (l'ordonnancement des lois de la nature qui rendent possible la vie et la conscience incarnée) et plus simplement sur le "comment ?", elle est à considérer comme une démarche éminemment poétique. Les chiffres, qui ne sont que des balises, des repères permettant la compréhension anthropique des lois par les mathématiques, deviennent beaux. Une insolite complicité avec l'univers s'instaure. 

Le collage, lui, est un concept artistique qui repose intrinsèquement sur la médiation entre des éléments disparates de prime abord, pour composer un puzzle tirant sa cohérence de son harmonie esthétique.