Bertrand avait été transféré depuis une bonne quinzaine de jours déjà. Cet institut était lui équippé d'un certain nombre de moyens qui lui facilitaient grandement la vie, il fallait bien le reconnaître, notamment pour la toilette quotidienne, qui avait toujours été un supplice. Sans ces équipements, sa toilette se réduisait auparavant à une toilette de chat et il se sentait vite poisseux, surtout l'été. 

Lui qui avait toujours refusé la moindre assistance par pudeur évidemment, mais aussi parce que merde, il ne souffrait que d'une paralysie partielle, pas de quoi être traité comme un faible, comme un boulet de la société. 

Son égo mal placé étant encore sans doute la seule chose qui dans son imaginaire à lui le faisait se sentir un peu homme, un peu fort, voyez... La seule chose qu'il pouvait encore se targuer d'exhiber comme un trophée. 

Oui, cet institut lui permettait de faire sa toilette en toute autonomie grâce à toute une batterie de machines qui s'activaient autour de son corps frêle à force de ne pas... S'en servir. 

Et il avait même des airs de château de contes de fées avec son grand parc, ses tourelles et sa marre aux canards. Une marre dont les infirmiers, aide-soignants et autres rééducateurs faisaient allègrement le tour durant leurs pauses, bavassant sur les nouvelles réglementations en vigueur. Parfois, les accompagnants des internes se prettaient aussi à ce jeu du tourner-manège. 

Bertrand les observait tous, faisant des tours et des tours, petites planètes dont l'axe autour de l'étendue d'eau était prévisible, à l'exception de quelques excentriques qui s'attardaient près des arbres avant de reprendre leurs courses autour de la marre. 

Il les observait depuis la fenêtre de sa chalbre donnant sur le parc, attendant la délivrance comme une princesse condamnée dans son donjon ; attendant qu'un accompagnant arrive pour, au moins une fois dans cette sainte journée, sentir le soleil chatouiller sa fine peau de poulet décongelé.