TÉMOIGNAGE INVENTÉ DE NINA, PROSTITUÉE A PARIS.

" Chaque fois qu'on m'demande comment j'en suis arrivée là, j'réponds toujours un peu la même chose... Je vais pas dire que l'endroit où j'travaille c'est la panacée, mais au moins, je suis sûre de pouvoir rester dans cet appart'. 

Vous savez, garder un appart' à Paris, c'est pas une mince affaire. Si tu payes pas, tu dégages, c'est pas comme en province. Y a une grosse mafia, même pendant la trêve hivernale, faut pas croire ! J'veux dire, quand vous êtes pas en logement social, parce que les logements comme ça merci, j'ai peut-être pas été élevée au caviar mais faut pas déconner, j'aime pas les racailles, surtout en tant que meuf blanche ! 

Mon parcours, bah c'est simple. 18 ans, mon père voit que je vais plus au lycée, pas d'avenir, une bonne à rien pour lui. Il me dit que si je suis pas contente, j'ai qu'à dégager. Ca faisait déjà un moment qu'il voulait me foutre dehors t'façon, j'le sentais. Mais moi je l'ai pris au mot, le daron, en 2 temps 3 mouvements j'étais barrée. Barrée la fifille, j'avais pas besoin de leur pitié et de leur argent. 

J'ai fait mon sac, j'ai fraudé le train et de là, arrivée à la gare du Nord, j'ai fait tous les bars. Avec 30 euros sur moi, j'pouvais pas espérer tenir plus de 2 nuits, même à Barbès. Et encore, c'était à l'époque, ça, j'suis plus de première fraîcheur ! 

Du coup j'ai commencé par un bar turc. La cuisine, enfin si on peut appeler ça comme ça, j'me rappellerai tout le temps... Une odeur si infecte que j'ai pas pu rester, même pour un remplacement... Et le bar juif près de Montmartre, la clientèle était bonne mais très peu pour moi l'exploitation !

C'est là que je suis tombée sur cette a,nnonce d'hôtesse, dans un journal gratuit... A l'époque, le bar était beaucoup plus sombre, c'est c'qui m'avait frappée. Les tapisseries, rouge sang, le lustre super bas avec sa lumière opaque... Bref, même moi la petite campagnarde de 19 ans, je sentais bien que c'était un bar à part... Comme si tout était fait pour rendre tout ce petit monde méconnaissable, car il y en avait du monde à l'intérieur, même en peline après-midi par un beau soleil ! Bizarre, tout de même, je me disais... 

Mais je me rappellerai toujours la tête de Miranda, la gérante du truc, en regardant ma bouille et mon corps pas encore bien formé de haut en bas, comme si elle jaugeait la marchandise... "Avec ou sans capote ?" elle m'a dit, après les petites présentations. Je n'ai pas répondu, j'étais choquée, bien sûr... Mais il faut bien dire que je m'en doutais quand même un peu, de la tournure que prendrait la conversation... 

"Sans capote, ça paye mieux, bien sûr." Elle a pris mon silence pour un "oui", bien sûr. Elle a toujours sû décrypter le langage non-verbal, la maligne. Une planquée, Miranda, sous ses airs de pas y toucher. Elle comprend tout, c'est pour ça que le grand patron l'a mise là. Elle devine tout ce que les clients veulent, les friqués, les moins friqués, tous les profils qui passent dans le bar ! Si je devais donner le diplôme de meilleure psychologue à quelqu'un, ça serait à elle. Pourtant j'en ai vu beaucoup des psychologues à l'école, moi qui foutait tout le temps le bordel et qui m'faisait virer d'partout. 

"Tu commences demain." Elle m'a dit d'un ton ferme. Et voilà, ça fait 10 ans que je suis là... "