Elle se dresse comme un phare dans la nuit de la folie humaine et de la ville, José Cabanis. Véritable sanctuaire, l'immense bâtiment anglulaire prend la forme d'un énorme cube hermétique, d'une énorme boite noire scellée par des rangées de barres de bois protégeant les fenêtres, comme pour protéger un trésor... Le trésor du savoir ?

Vous me direz, toutes les médiathèques le sont un peu, des refuges où l'on fait un arrêt sur images, où l'on prend le temps de la contemplation, où l'on est en fait contraint de le faire, au risque de ne pas repartir avec la bonne nourriture culturelle, celle qui sied à notre appêtit, qui sied à nos envies... C'est ce que l'on fait ici, dans ce pays de nulle part. On prend le temps de scrupter les rayonnages, faisant courir le regard sur les pochettes de disque et les pages... C'est un pays bien inhabituel. Un pays pleins de rêves.
Aller à la médiathèque est toujours s'embarquer dans une aventure immense, une aventure de plus de 50 mètres de haut, du hall d'entrée jusqu'au dernier étage, l'étage consacré à la musique et au cinéma ! Tout y est plus grand qu'à l'accoutumée. Des escaliers d'ogre, des tables de géants, des comptoirs d'éléphants ! Tout y est bien rangé, mais ça ne rend pas l'atmosphère froide, car la lumière tamisée réchauffe les coeur. De quoi pénétrer l'infinité de la connaissance tout en douceur. Et ne pas y perdre pieds...
 
Oui, le silence y est sentencieux. Ne troublons pas les curieux ! Mais chacun est libre, chacune virevolte ; entre les allées, chacun va et vient dans la cohorte. Au grès de ses lubies, au grès de ses passions, et autres farfelues aspirations...
 
On n'est pas au supermarché où l'on saisit machinalement les articles connus de nos papilles pour les fourrer sans ménagement dans le cadi. Là où il faut caser toujours plus d'objectifs dans une seule journée, là où il faut être toujours plus performant et polymorphe pour s'adapter à la "diversité", comme on disait, ici on se met volontairement sur pause. On se met volontairement dans un SAS, un immense SAS où l'on pénètre les mots, les sons, les virgules, les couleurs, les chansons.
 
Un arrêt sur l'image dans l'hyperactivité moderne.
 
Elle laissait courir ses doigts sur le papier glacé. Elle laissait dériver son regard dans les couleurs irisées. Contemplant les généreuses photos des livres ça et là disposés. Gros bouquins de voyage, joyaux d'exode. Elle les prenait sur ses genous, comme l'on tient un bébé. Elle les prenait sur ses genoux pour tendrement les osculter. Un peu de tendresse, dans ce monde. Ce monde si cher à ses yeux, dans lequel elle voyageait. Voyageait pas par les cieux, mais par les yeux, le coeur et la pensée. Une citation par ci, un paysage par là, en attendant de prendre l'avion pour Madagascar ou Sydney !