L'expérience est un challenge que nous nous lançons pour nous faire grandir. Avec la complicité de l'univers, notre âme attire à elle des situations ou des personnes qui vont venir ébranler les certitudes pour les replacer sous le règne de la loi fondamentale de l'impermanence dont nous parle le taoïsme, mais aussi la physique quantique.
Parfois, l'envie d'expérimenter a une source différente. Pas celle de l'âme, mais de l'homme lui-même, avec ses névroses et le besoin de les compenser qui va avec. Il se fait alors anthropologue du monde, aventurier de l'extrême. Au nom de l'intensité de la vie, il élève au rang de beauté le plaisir, au rang de morale l'adrénaline et au rang d'amour la passion. C'est toujours au prix de l'anéantissement de ses propres codes qu'il en explore d'autres, toujours plus exotiques, toujours plus dangereux. Il se remplit du monde, laissant son jardin secret inerte, en friche. Il va chercher à l'extérieur ce qu'il n'est plus capable de se donner à lui-même : des balises, mieux, des idéaux pour circuler dans les limbes du psychisme humain et de la laideur.
L'expérience est érigée en ultime finalité. Le questionnement devient religion lorsque les réponses manquent à l'appel. Il s'immerge dans ce qu'il pense être une esthétique de la vie pour mieux s'y perdre. Les portes du SAS moral sont franchies. Elles donnent sur un très long couloir, en vérité infini. Ses murs sont bariolés, et au fur et à mesure de la course curieuse, se ternissent, jusqu'à le plonger dans une épaisse obscurité. Elle le rassure, il s'y love, s'y cache. Parfois il rencontre des corps, et il arrive qu'ils se touchent, à tâtons. Il arrive qu'ils se tripotent, aussi. C'est devenu leur seule manière de communiquer. D'expérience en expérience, les murs porteurs psychologiques de ce qui pouvait encore faire sens en lui s'écroulent. Des corps tentent de circuler sous les décombres, vers de terre hédonistes, vers de terre nihilistes.