Maria n'avait jamais bien su si toutes ces choses qu'elle ressentait depuis petite étaient le fruit de son imagination ou si elles existaient bel et bien... Ces énergies qu'elle ressentait dans les lieux et chez les gens. Ces perceptions qui inondaient ses sens, parfois contraires aux apparencesn qui lui faisaient perdre pied parfois en société et qui la faisait passer pour quelqu'un de bizarre, quelqu'un d'un peu fou et d'un peu absent à la fois. 

Parfois, souvent même, elle n'arrivait plus à se concentrer sur les conversations car c'est comme si elle entendait tout ce qu'on ne disait pas, tout ce qu'on taisait soigneusement pour garder une façade plus commode qui arrangeait bien tout le monde. C'est comme si elle entendait l'âme des gens crier lorsqu'en public ils affichaient leurs plus beaux sourires de circonstances. 

Si elle captait les émotions et les pensées des gens, elle captait aussi les lieux. Elle se "connectait" pour ainsi dire à eux et ressentait l'atmosphère du lieu lui-même, et sans efforts. Sans même l'avoir demandé, et cela en devenait même envahissant, handicapant. Il lui arrivait souvent de se renfermer complètement sur elle-même car elle ne supportait pas ce "bain énergétique" dans lequel elle trempait toute la journée, assise à sa table d'écolière et voulait le fuir le plus vite possible. Raison pour laquelle elle n'aimait pas manger à la cantine de l'école, car manger à la cantine signifiait une présence prolongée en ces lieux. Or, moins elle se frottait à ces énergies hostiles, mieux elle se portait ! Hostiles car pleines de jalousie entre enfants, de pression mentale mise par les professeurs et de manque d'ouverture d'esprit, avec beaucoup de certitudes transmises sur le monde qu'elle pressentait déjà s'apparenter à de fausses croyances... Tout se passait comme si la conjugaison de ces émotions négatives avaient une odeur, et laissaient une réelle empreinte en elle. Une empreinte de souffrance.

Il n'était pas question d'aimer un lieu ou pas, mais de ressentir son essence, sa coloration vibratoire. A vrai dire, elle pouvait même avoir des informations sur lui : son passé, à quoi il avait pu servir, et ce qu'on y faisait là, dans le présent. 

C'est ainsi que lorsqu'une amie de sa mère lui proposa un jour de la payer très cher pour obtenir des informations sur son défunt mari, elle ne su que répondre... D'habitude, les gens se contentaient de venir à elle avec leurs questions, auxquelles Maria, avec ses ressentis, apportait les réponses qui lui venaient, spontanément, en écoutant le flot de ses ressentis qui arrivaient parfois en rafale. Ces ressentis prenaient prendre diverses formes. C'était un genre de conversation intérieure ponctuée d'images, d'impressions confuses parfois -mais dont la véracité s'imposait à elle- et de mots, qu'elles pouvait entendre distinctement mais dont elle avait l'impression qu'on ne lui sussurait pas dans l'oreille, mais dans le coeur ! 

Elle disait aux gens qui veniant la voir, les gens de son quartier qui venaient gratuitement lui poser des questions, ce qu'elle percevait d'une situation ou d'une personne, et dans la plupart des cas, les informations étaient vraies et elle arrivaient parfaitement à cerner ces dernières. Dans la plupart des cas également, ses prédictions se réalisaient. 

Mais aujourd'hui, alors qu'une voie semblait s'ouvrir à elle, une voie clairement professionnelle où elle serait attendue au tournant, tout devenait différent : Etait-elle censée accepter cette grosse somme d'argent ou faire voeu d'humilité ? 

Après tout, l'un et l'autre n'étaient peut-être pas contradictoires... Seulement, monnayer ces informations qu'elle percevait naturellement et sans effort aucun depuis son enfance ne lui paraissait pas légitime. 

Et pourtant, elle savait aussi au plus profond d'elle-même que ces dons n'en n'étaient pas et que ces facultés extra-sensorielles avaient été travaillées pendant des incarnations et des incarnations par elle, ainsi que sa famille et ses ancêtres.