TEMOIGNAGE INVENTÉ DE MAXIME DEPERSE, ANCIEN TAULARD. 

 " Une décennie. Quand j'y pense, c'est vrai que je me rends plus bien compte. Et pourtant, ça fait même pas un mois que je suis sorti du trou. Ou peut-être que je veux pas me rendre compte. L'inconscient ça influence comment on perçoit le temps. Je l'ai lu dans un livre pendant le temps que j'étais au trou. Je m'emmerdais tellement que je me suis mis à la lecture. Quand tes heures de promenade c'est 2h par jour pour 20 minutes seulement et que tu peux jamais regarder la télé tranquille, bah faut bien trouver une occupation... Et puis bon, le traffic de drogues, très peu pour moi en taule, je voulais pas prendre le risque de replonger. 10 ans, ça calme. Et encore, avec la réduction de peine, parce que je me suis tenu à carreaux. Bah je vous jure que là je suis parti pour me ranger... 

Je raconte tout ça parce que c'est la psy qui m'a conseillé d'avoir un journal intime. Elle dit que quand on sort de là, après autant de temps, on peut pas être en free-style, que c'est comme quelqu'un qui gagnerait au loto et du jour au landemain il a 1 million sur son compte. Il devient fou le mec, plus rien l'arrête, il fait plein de trucs interdits par la loi. Moi c'est un peu pareil,  juste avant de sortir c'est pas compliqué j'en rêvais de ma sortie. Mais vraiment, je rêvais que je faisais ma valise, de toute façon y a pas grand chose à foutre dedans, mais je rêvais chaque détail, la couleur de mes chaussettes, les trous dans mes caleçons, et tout et tout... Et aussi la jolie tête de la gardienne qui est de service le mardi, Cynthia... Je connais son prénom parce que j'ai filé 20 balles à une autre gardienne pour qu'elle me le donne. Son beau cul aussi... Putain je te l'enculerais à sec celle-là si je remets la main dessus !

Ses jolis petits bras qui m'ouvrent la porte en fer, cette putain de porte qui ressemble à une porte de bâteau... Et à chaque fois, le rêve se termine pareil : Je sors avec ma valise, lunettes de soleil sur le nez et ma belle gueule d'il y a 10 ans, comme au bon vieux temps des braquos. Et là y a une limousine qui m'attend, juste devant la porte d'entrée avec toute la bande d'avant. Tu parles, ils sont tous morts, maintenant... Tous ceux qui se sont pas cassés à l'étranger ils se sont fait buter par un autre gang ! C'est ça le problème avec la mafia, c'est la concurrence, même pas tant la Police. Au moins quand t'es au trou, t'es protégé. 

Enfin je suis quand même bien content de sortir, parce que j'en avais vraiment plein l'cul, même avec les livres et l'atelier poterie de Madame Julie. La poterie, ça va 5 minutes. Mais quand même, peut-être que j'en referais parce que j'ai remarqué que ça me détend, c'est comme un bon pétard. Je suis pas artiste mais j'ai trouvé ça sympa on va dire. Je savais pas que je pouvais faire des trucs beaux avec mes 10 doigts. C'est même pas moi qui le dis, c'est Madame Julie. Bon allez, j'arrête là pour aujourd'hui, j'ai trop besoin de sortir de là, j'étouffe dans cet appart'. Et maman va pas tarder à rentrer des courses. "