TEMOIGNAGE INVENTE D'AMINE BOUKERI, ANCIEN ARNAQUEUR. 

"Ca n'est pas la première fois que vous faites cela, Monsieur Boukeri. Vous en êtes à votre 36ème arnaque. Nous savons que cette fois encore, c'était vous, car vous avez une manière particulière de procéder, n'est-ce pas ? Une petite marque de fabrique ? Sauf que cette fois, nous avons pu vous tracer. Vous pouvez toujours faire votre coup via un numéro étranger, il se trouve que si vous appelez de la France, vous êtes grillé. Mais ça, ça a échappé à votre bon sens... Etre un escroc, cela s'apprend."  Il ajouta en me faisant un clin d'oeil. Il était comme ça ce lietenant de police. Pédagogue comme on dit. Il mettait toujours les gens en situation pour savoir à quelle sauce on allait être mangé. Et cette sauce n'allait pas être fameuse car il avait patiemment attendu que je rentre de France pour me mettre le grapin dessus. 

Moi, c'était la première fois que je me faisait prendre et j'avoue que j'étais quand même destabilisé par cette entrée en matière... Intelligent, on m'avait toujours dit que je l'étais. Intelligent, je ne sais pas mais malin oui, à toujours trouver des combines pour me tirer d'affaires et même de mes propres mensonges, parce que c'est pas ça qui manquait... Mes mensonges et mon baratin en général, ce maniement de la langue française que j'avais toujours bien su maîtriser. Toujours de bonnes notes en français et une belle présentation, comme disait ma mère. Je savais y faire avec les femmes en général, pas qu'avec les profs de français d'ailleurs. 

Je m'inventais une vie rêvée au Brésil, jusqu'à ce que j'y accède enfin aux frais de la princesse, bien sûr... Ca avait commencé par de la vente de shit, le truc normal puis par des arnaques de plsu en plus grosses, histoire de me la payer, cette vie rêvée. Loin de Cergy où j'ai grandi et aussi de ces racailles qui m'arrivent pas à la cheville... Moi aussi j'étais une racaille, mais une racaille de luxe, assez maligne pour ne jamais avoir à s'afficher, vous voyez ? 

Tout se passait toujours par téléphone, loin des regards indiscrets. D'abord on trouve un bon hacker, puis on subtilise les informations des fichiers-clients d'une banque, et puis on tente sa chance... La technique est toujours la même : On met la personne en confiance en lui donnant des informations sur son compte puis on fait croire à des tentatives de paiement frauduleuses pour mieux soutirer du fric au premier pigeon venu pour lui faire valider des opérations bancaires et l'affaire est dans le sac ! 

Et ça marchait bien jusqu'à ce jour-là, où j'avais dû revenir momentanément en France pour ma mère malade. Et ce coup-ci, je vous jure que c'est vrai. Cette fois-ci, il fallait que je trouve du fric, mais pas pour ma gueule. Ma mère n'avait jamais eu une bonne mutuelle, et même si je lui faisais des virement depuis le Brésil, avec un cancer sur le dos, c'était pas du tout suffisant. Alors un peu dans la panique, j'ai pris mon téléphone et j'ai pris le premier numéro sur le fichier-client de la Banque populaire que m'avait filé mon pote quelques jours avant. "Allô, Monsieur Dupont, nous avons identifié une activité irrégulière sur votre compte récemment..." Et blablabli, et blablabla. 

"Je vous jure que ça n'est pas moi." Je déclarais les yeux dans les yeux au lieutenant, avec ce même aplomb que j'avais lorsque j'arnaquais mes pigeons. J'étais bien décidé à adopter la même stratégie du plus gros c'est, plus gros ça passe, mais à l'époque je ne savais pas encore qui j'avais en face de moi...