Il n'était pas particulièrement enthousiaste à l'idée d'avoir cet entretien Pôle-emploi, entretien-interrogatoire où il aurait à justifier de se smoindres faits et gestes durant ces derniers mois. Entretien visant à rendre des comptes à un agent qui validerait -ou non- le sérieux de ses démarches. Rendre des comptes pour qu'à l'issue de cet entretien, des comptes soient rendus. 

On ferait les comptes, pour que demandeur d'emploi qu'il était, il ne s'en tire pas à si bon compte. 

Le compte-à-rebour était d'ailleurs lancé, il se retrouverait dans quelques instants face à sa conseillère attitrée. Via la plateforme du gouvernement, il allait maintenant s'entretenir avec Claire Brochant, un rendez-vous un peu trop matinal pour être galant. 

Après une minute de battement, la jeune femme apparu à l'écran. Il n'apercevait bien sûr que la partie supérieure de son buste, le reste de sa personne étant pour ainsi dire "coupé" par la caméra. Mais à en juger par la veste de tailleur beige réglementaire qu'elle portait, il n'avait pas de mal à imaginer que la jeune femme ne devait pas porter de jean troué. Tirée à quatre épingles, chignon haut et dos droit, elle lui faisait maintenant face via écrans interposés, large sourire s'apprêtant à le dévorer tout cru, question après question. 

Mais les yeux de Claire trahissaient ce sourire éclatant, ce sourire faussement communicatif qui n'avait pour ambition que de ranger la complexité de la situation des gens dans des cases administratives. 

Ces yeux étaient des yeux emplis d'une curiosité réelle, bien qu'il se retenait encore de le penser, en ce début d'entretien où il se sentait crispé, où, cette fois-ci il se savait, il jouait gros. 

Les yeux de Claire le fixaient sans le toiser,  voulant déjà s'imprégner de son être, partant pour de vrai à la rencontre de son parcours. Claire, qui n'avait pas fait d'études de psychologie, mais qui avait toujours eu cette tendance à traiter ses interlocuteurs comme des êtres, et non des numéros.