Au détour d'une banlieue résidentielle, s'étale soudain le centre commercial.
Imposante façade longiligne de béton, forteresse glaciale.
Dans le gris urbanistique de rigueur, ses néons criards,
étoiles artificielles, faux espoirs.
Le jour apparaît à peine, pourtant tout est déjà en place :
L'artillerie lourde des produits bien alignés, prêts à l'emploi.
Tout est optimisé pour la masse, tout va de soi.
Les rayonnages perpendiculaires conditionnent les ardeurs. 
Bientôt s'y agglutineront les passants, les vendeurs grimaçants.
Tout ce beau monde réuni dans ce coeur palpitant 
de la mégamachine capitaliste aux allures de cité futuriste rêvée. 
De la tôle, de l'acier, du verre, par des plantes arborescentes agrémentés.  
Et du bois bien sûr, tendance écoquartier.

Arrivée dans l'hypercentre de la métropole. 
Coins de verdure ça et là, aspect global plus avenant, moins minéralisé.
Les façades du bâti, haussmanniennes, témoignent d'une époque plus folle ; 
celle d'une architecture ne se voulant pas que fonctionnelle,
où l'esthétique est davantage qu'une excentricité. 
L'hygiénisme, visée déjà utilitaire, mais approche élégante, qui reste belle...
Grignotée par les devantures des firmes, la grâce architecturale devenue faire-valoir.
La ville, avec ses grandes places, autrefois lieux d'expression populaire,
est devenue une gigantesque vitrine où l'on flâne, où l'on se croise, mais jamais s'asseoir. 
S'asseoir, se poser, se rencontrer, voilà des choses bien peu utilitaires. 

Parfois, les avenues sont investies par de drôles de passants.
Ils aiment à semer la zizanie dans la rectitude de leur logistique. 
Paraît-il qu'ils viennent réclamer un monde plus juste, léger contretemps. 
Formalités que ces coups d'éclat, bien vite oubliés par la ville, et son bourdonnement magnétique.