PARTIE 3

L'homme me serrait un peu trop, entre ses doigts aux longs ongles noirs. De sorte que mon aile me faisait encore plus mal à leur contact. Il me transporta comme ça pendant deux bonnes heures, très confiant, très sûr de ce qu’il faisait.

Moi j’en étais moins sûr, et pour tout dire, j’avais même peur de ce qui m’attendait, à quelle sauce j’allais être mangé. Et d’ailleurs, comptait-il me manger, cet homme ? Car ça n’était pas le tout de me sauver de cette jungle urbaine, encore fallait-il qu’on me laisse la vie sauve !
Je me risquais à quelques cris pour faire comprendre à mon hôte mon mécontentement mais rien n’y fit. Il persistait à me tenir serré entre ses doigts, se hâtant vers on ne sait quel but… Pire, au bout d’un quart d’heure environ, il me cloua le bec, m’enfilant un élastique de force pour que je me taise !
Un gros sac à dos sur ses épaules frêles, cela ne l’empêcha pas, ni une ni deux, de traverser le quartier pour rejoindre un endroit souterrain plein de machines et de sons stridents avec des trains passant très vite dans de longs couloirs sombres… Ca sentait le pipi un peu partout et la lumière m’agressa les yeux. Pas très agréable… L’homme enjamba le portique de sécurité et ramassa un sandwich entamé qui traînait sur un banc de carrelage blanc.
Puis nous fîmes une mauvaise rencontre. Trois hommes en noir commencèrent à nous encercler, en disant que l’homme n’avait pas payé son titre de transport… Sans parler de moi ! En effet, les animaux de compagnie étaient interdits ici. Tu parles d’une compagnie ! Étouffé dans une main crasseuse que j’étais…
L’homme fit mine de sortir ses papiers d’identité pour mettre les agents en confiance, puis d’un seul coup d'un seul fonça dans le tas pour s'engouffrer dans le couloir n°12 et par chance, nous pûmes grimper dans une rame de métro qui passa, moins de 30 secondes plus tard.
Après avoir changé de trains plusieurs fois et passé le portail de ce qui ressemblait à une maison abandonnée, j'atterris dans un chiffon sale. Un gros chien noir était dans le salon. Il était affalé sur un tapis plein de poussière. On aurait dit qu’un mur s’était effondré tant la poussière recouvrait tout, dans cette baraque !
L’homme n’arrêtait pas de parler au chien pour lui donner des ordres. “Assis tout de suite” lui disait-il systématiquement, après que l'animal ait eu fini de manger dans sa gamelle.
Parfois, au beau milieu de la nuit, il se réveillait en sursaut et criait : “Au pied !", comme pour se rassurer de sa présence...
“Pauvre bête” pensai-je. Moi qui autrefois, avait connu la liberté.