Rien de tel qu'une belle feuille de laitue bien fraîche pour commencer la journée. Une feuille de laitue qui aurait été délicatement aspergée par la rosée du matin et dont la saveur légèrement amère ferait ressortir le goût du soleil... Car qui dit laitue dit printemps !
Et Dieu sait qu'il me tarde, chaque année, de promener ma carapace à travers les vallées, les jardins et les prairies... Pourvu qu'il y ait toujours quelque feuille tendre imbibée de soleil à se mettre sous la dent ! Tendre en son milieu, mais croustillante à l'extérieur, comme le coeur de ces crapules d'humains, qui souvent ne m'aiment pas trop parce que j'élis domicile dans leurs jardins et grignotte le fruit de leur travail. Ah, la propriété privée ! C'est vraiment un truc d'humains ! Mais je comprends leur colère... C'est qu'ils y ont mis, de l'énergie à répandre leurs pesticides, fongicides et j'en passe et des meilleures, pour que tout soit bien propre, tout soit bien net et que rien ne dépasse entre les plantations et les allées...
Parfois aussi, on tue mes enfants. On les décolle sans ménagement d'un pot de fleur ou d'une goutière pour les déplacer je ne sais où... Et ces petites créatures fragiles ne supportent pas le choc !
Bah, on s'occupe comme on peut, lorsqu'on a la soixantaine passée... Moi je ne pense pas à m'occuper et à meubler le temps qui passe... Il passe bien assez vite, celui-là ! Mon paradis est là, maintenant, tout de suite, sur ma feuille de laitue gorgée de soleil.