Elle ne revêtait qu'une simple cape sur ses frêles épaules, en ce jour de carnaval. Une cape d'un élégant blanc cassé, ornée de broderies comme l'on en faisait plus. Les perles elles aussi étaient remarquables, perles vernies d'un rouge vif, qui luisaient à la lumière du soleil pâle de Dunkerque. Car oui, il se trouve qu'aujourd'hui il faisait soleil et qu'elle pouvait sentir au plus profond de son petit corps la ferveur de la foule en délire, emportée dans ce bain de lumière par une joie toute éphémère. 

Tous les sons lui parvenaient en même temps, salade composée de musique techno, de rires appuyés et de bruits douteux. Les odeurs, elles aussi, arrrivaient toutes à la fois dans ses naseaux, dans un déluge d'effluves variables. Une odeur de beignets frits se mêlait à celle des remontées d'égoûts. Qu'importe ! Elle s'imprégnait volontiers de tout cela dans une naïveté toute voulue, oubliant, s'oubliant dans les rues de cette énième ville laissée pour compte de la mondialisation où l'industrie nucléaire était devenue le nerf de la guerre. Cette ville qui, quelques jours durant, se paraîssait des couleurs écarlates des costumes de la populasse, venue prendre une revanche presque politique sur la grisaille de son ciel et de ses équipements industriels en béton armé ne faisant le bonheur que d'une poignée de nantis. 

Oui, en ce dimanche après-midi de fête, Dunkerque renaissait un peu et elle aussi, son visage juvénile dissimulé sous un masque vénitien qu'elle avait pris soin de marier avec sa veste. De mariage, il n'y en aurait pas aujourd'hui, mais cela n'empêchait pas les confétis de pleuvoir sur le jupon de la demoiselle, pour le plus grand bonheur de ses hormones en ébullition.