moyenne rongée par le chômage et du peu de votes engrangés par le parti qu'il représentait encore ce jour là. Encore. Encore après 20 ans de bons et loyaux services malgré les coups bas, les coups de boutoir et les coups de bambou.
Des coups de main, il en avait eu, n'exagérons rien, et pas forcément ceux auxquels il aurait pu s'attendre... Liasses de billets dans la boîte aux lettres contre menus services rendus, partenariat avec une marque de saucisson locale, détournement de fonds à peine masqué par des notes de restaurant salées aux frais de la princesse... Autant dire que "Chasse, pêche, nature et traditions" avait un grand avenir devant lui, pour le peu qu'il choisisse la voix royale.
Jean-Luc, lui, n'en n'avait plus, d'avenir. Il s'apprêtait à rendre son tablier pour de bon en ce dimanche soir d'élections. La décision avait été prise il y a peu, non pas tant en raison de ce fiasco annoncé que parce qu'il s'était suffisamment gavé. Gavé comme un canard qui finissait en magrets et dont il était friand.
C'est que Jean-Luc était un indépendantiste basque dans l'âme, surtout lorsqu'il s'agissait de témoigner de sa fidélité en piquant dans la caisse. Sa décision était prise : il quitterait le radeau de la méduse avant de se faire pincer.
Droit comme un I dans son costume trop serré -trop serré en fait depuis le début de sa carrière politique, comme pour s'imposer une discipline du corps à défaut d'en avoir une de l'esprit- il trépignait donc derrière le rideau de la salle municipale, marmonnant sans conviction les mots d'excuses de son discours d'adieu comme l'on mâche un vieux chewing-gum sans goût. Comme le taureau s'apprêtant à rentrer dans l'arène, il se répétait ces mots dans sa tête comme pour mieux s'en convaincre ; vieux taureau vaincu par l'appât du gain.