Il me semble que dans ce pays, qui a été et est encore considéré comme le pays des droits par excellence, nous avons oublié un détail de taille.
Il me semble que quelque chose, dans cette aventure vers le progrès que nous nous sommes juré de vivre depuis la prise de la Bastille, nous a fait défaut.
Oui, les révolutionnaires avaient cette ambition profonde de décloisonner ne serait-ce qu'un peu les murs entre les classes sociales, les sexes et les conditions sociales des plus faibles et des mieux lotis. Que d'intentions louables que de faire ainsi entrer la démocratie dans le jeu si cruel des castes. Cette vague de liberté et de justice auront en effet jeté pas mal de pierres à la mer... Ces pierres dont étaient faits ces murs de silence, ces murs d'indifférence à la situation d'autrui.
Le silence, voilà ce dont je parlerai ici, car ce qui autrefois faisait barage à l'expansion de notre civilisation européenne a maintenant disparu. Et ce motif pourra bien sembler dérisoire à la tenue d'un discours pareil, il n'en demeure pas moins qu'il soit devenu central, dans une société où les machines et l'urbanisation sont devenus les pilliers de notre équilibre mental.
Mais où est passé le silence entendu et malicieux d'un regard échangé avec l'ami ou la compagne par dessus un bon verre de vin ? Ce silence complice au-delà des mots, ce silence de rien ?
Où est passé le silence du salon, où autrefois, après le repas du soir, chacun prenait le temps de se recceuillir dans ses pensées, dans ses fantasmes, que sais-je, en lui-même ?
Où est passé le silence qui suit l'envoi d'un message important, pendant lequel on médite à la réponse, faisant infuser les idées en son âme et en son coeur, à la façon des feuilles parfumées d'un thé turc ?
Mes amis, remettons un peu de silence dans nos existences, et ce pays reprendra enfin la voie de la conscience !