Toulouse, août 2023. Un soleil qui dans le silence d'une rue abandonnée de cet après-midi d'été vous faisait transpirer au moindre pas entrepris sur le goudron brûlant. La rue du Taur lui appartenait, elle se déployait devant elle, avec son décor de pierres rouges, de corniches sculptées et de petits restaurants tellement pittoresques. Cet après-midi, elle ne travaillait pas. Pas de petits vieux à qui aller faire une prise de sang ou administrer quelque solution médicamentause. Pas d'enfants non plus à aller cueillir à l'école, ni d'aspirateur à aller changer en urgence à Darty, ou quelconque autre contrainte pratico-pratique qui aurait pu la détourner une fois de plus de ce fameux vide en elle... Ce vide rempli à ras-bords de possibles et d'espoirs que les contraintes d'un foyer correctement tenu tueront toujours un peu dans l'oeuf. Non, aujourd'hui aucune contrainte socialement acceptable ne pesait sur ses frêles épaules hâlées.
Elle était libre comme l'air, qu'on ne trouvait pas d'ailleurs, dans cette rue suffocante du centre de la ville rose... Elle jeta un coup d'oeil furtif au garçon de café désœuvré qui la toisait d'un regard indifférent. Une petite limonade ne serait pas du luxe avant d'aller faire un tour à la cinémathèque... Elle fouilla dans son sac à main pour y dénicher son étui à lunettes. Elle connaissait trop bien Toulouse pour ignorer qu'elle ne pouvait pas boire un verre tranquille en terrasse sans être interrompue par une connaissance qui passerait par là... C'était toujours comme ça : un ex ou une ancienne connaissance de travail qui se pointait au moment le plus tranquille de son périple citadin pour la sommer bien gentiment de donner des nouvelles. C'est qu'aux yeux des gens, se balader en ville signifiait implicitement se faire voir et s'offrir aux discussions mondaines... Alors qu'elle avait simplement envie de rester posée là, sur cette chaise en fer forgé, dans la douceur d'un regard perdu dans le vide de son imagination. Oui, quelque chose de doux, ni spécialement ému, ne cherchant pas à être haï non plus... Juste suspendue dans cet instant contemplatif n'ayant d'autre but que d'être, pour une demie-heure environ, la brune anonyme de la rue du Taur.