Il ne se disait pas officiellement prostitué, mais tout le monde savait, sur la plage de Mombasa, qu'Ali M. en était un. Gâté par la nature, oui, il l'avait été. Une belle gueule avec des traits réguliers et un sourire qui pourrait le faire passer pour le plus beau des anges quand Ali nourissait secrètement des intentions de haine, d'envie et de jalousie envers les blancs. Oui, les blancs, car la plage de Mombasa en était peuplée, de touristes blancs venus des pays slaves et d'Europe. 

He did not officially call himself a prostitute, but everyone knew, on the beach in Mombasa, that Ali M. was one. Spoiled by nature, yes, he had been. A beautiful face with regular features and a smile that could impersonate him for the most beautiful angel while Ali secretly harbored intentions of hatred, envy and jealousy towards white people. Yes, white people, because Mombasa beach was crowded with white tourists from Slavic countries and Europe.

Ces connards venaient pour une semaine ou deux et s'en repartaient dans leurs maisons de luxe à Milan, à Berlin ou à Paris... Ils les détestait, ces gens fortunés à qui la vie avait tout donné, et qui avaient même l'audace de lui envoyer des photos de leur bonheur une fois rentrés chez eux ! Photos qu'il likait une à une, une vie par procuration valant toujours mieux qu'une vie parmi les noirs de son acabit... 

These assholes came for a week or two and left for their luxury houses in Milan, Berlin or Paris... He hated them, these wealthy people to whom life had given everything, and who even had enough boldness to send him photos of their happiness once they get home ! Photos that he liked one by one, a life by proxy. Well, it was always being better than a life among blacks of his ilk... 

Lui était différent d'eux bien sûr, en tout cas c'est comme cela qu'il se présentait, plongeant ses yeux noisettes dans ceux de ses proies, jouant inlassablement la carte de la pureté et bien sûr, du misérabilisme, comme un triste automate. 

Lui qui venait d'un miteux village perdu au sud du Kenya où l'électricité se voyait coupée pour un oui ou pour un non, et sans eau courante. Il ne perdait pour autant jamais une occasion d'y retourner, avec les blancs, distribuant, victorieux, des bonbons aux enfants du village. 

He was different from them of course, in any case that's how he presented himself, plunging his hazel eyes into those of his preys, tirelessly playing the card of purity and of course, miserabilism, like a sad automaton. 

He came from a shabby village lost in the south of Kenya where the electricity didn't stop to be cut off, and without running water. However, he never lost an opportunity to return there with the whites, distributing, victorious, candies to the children of the village.

Son lot de consolation consistait donc à leur pomper leur fric le plus possible avant que lesdits blancs ne repartent. Mais la proie suprême, celle qui valait 3 milliards, était sans aucun doute la femme blanche. La femme blanche seule, bien sûr. L'aventurière, celle qui n'avait pas besoin d'un groupe pour s'aventurer hors des sentiers battus, celle qui était assez indépendante pour être à son compte, de sorte à disposer d'autant de temps que possible à lui consacrer lorsqu'elle ne faisait pas fleur son business. 

His consolation prize therefore consisted of sucking as much their money as possible before the said white people would leave. But the supreme prey, the one worth 3 billion, was undoubtedly the white woman one. The single white woman, of course. The adventurer, the one who didn't need a group to venture off the beaten track, the one who was independent enough to be on her own, so that she had as much time as possible to devote to him when she wouldn't flourish her business.

Ainsi, lorsqu'Ali M. vit passer Alice sur la plage en sortant de sa sieste sous les cocotiers, lui qui ne se laissait jamais abattre par le courage, ce fut tout bonnement un rêve éveillé. Il cligna d'ailleurs plusieurs fois les yeux pour vérifier que la créature existait bel et bien. Beaucoup d'hommes avaient déjà dû essayer de l'approcher mais bingo ! Elle, ne portait aucun bracelet au poignet, signe qu'un de ses collègues lui aurait déjà vendu une croisière ou un stage de plongée sous-marine. Non, sa proie ne s'était sans doute pas encore laissée approcher, la voie était donc libre et c'est ainsi qu'il tenta une approche, -toujours la même- pour endormir sa réticence :

Then when Ali M. saw Alice passing by on the beach after her nap under the coconut trees, him who never let his courage get him down, it was quite simply a waking dream. He blinked several times to make sure that the creature really existed. Many men must have already tried to approach her but bingo! She wasn't wearing any bracelet on her wrist, a sign that one of her colleagues had already sold her a cruise or a scuba diving course. No, his prey had probably not yet allowed himself to be approached, the way was therefore clear, that's why he attempted an approach, - always the same - to put her reluctance to rest :

- Salut Mademoiselle, lui lança-t-il doucement en anglais. Je n'ai rien à te vendre, je me demandais juste si... 

- Salut ! Non, je ne suis vraiment pas intéressée, j'ai juste envie de me balader seule sur la plage... 

- C'est juste que la marée monte, et que ça va devenir dangereux de passer par ici, dit-il en désignant les rochers qui barraient la route menant à l'autre bout de la plage et qui se faisaient déjà englourir par l'océan. 

- Hello Miss, he gently called her in English. I have nothing to sell you, I was just wondering if... 

- Hi ! No, I'm really not interested, I just want to walk alone on the beach... 

- It's just that the tide is rising, and it's going to become dangerous to pass through here, he said, pointing to the rocks which blocked the road leading to the other end of the beach and which were already being swallowed up by the ocean.

Et c'est ainsi qu'Alice fit la connaissance d'Ali. Deux semaines semaines splus tard, ils prenaient le petit déjeuner dans un hôtel avec piscine, Ali ayant pris soin de décliner l'invitation, prétendant que tout ce luxe ne lui ressemblait décidément pas. 

Et le voilà maintenant attablé avec Alice, se délectant d'un cocktail sans alcool banane-fraise-coco. 

- Ecoute, je voulais te parler d'un truc qui me gêne... Lui dit-elle, en prenant bien soin de plonger ses yeux dans les siens pour sonder son regard. 

- Ah oui, quoi ? Demanda-t-il nonchalemment, les pieds en éventail sur la table. 

- Je n'ai pas retrouvé la monnaie dans mon porte-monnaie, en tout cas il manquait la moitié de l'argent qu'il restait des courses d'hier... 

- Ah bon, tu en es sûre ? Lui demanda-t-il, inquiet. 

- Eh oui... J'ai reverifié. Où est-il passé, Ali ? Tu es le seul qui as accès au porte-monnaie, tu le sais bien... 

And this is how Alice met Ali. Two weeks later, they were having breakfast in a hotel with a swimming pool, Ali having taken care to decline the invitation, claiming that all this luxury was definitely making him uncomfortable. 

And here he is now sitting at the table with Alice, enjoying a non-alcoholic banana-strawberry-coconut cocktail. 

- Listen, I wanted to talk to you about something that bothers me... She told him, taking care to look into his eyes to probe his gaze. 

- Oh yes, what? he asked nonchalantly, his feet fanned out on the table. 

- I didn't find any change in my wallet, in any case half of the money left from yesterday's shopping was missing... 

- Well, are you sure ? He asked her, worried. 

- Yes... I checked again. Where did it go, Ali ? You are the only one who has access to the wallet, you know that well...

- Attend, je reviens ! Lui dit-il, avec un sourire jusqu'aux oreilles. 

Quelques minutes plus tard, il revint avec un bracelet de perles de rocailles avec inscrit le mot "amour". Du genre de ceux que ses confrères devaient vendre sur la plage. 

- C'est parce que je t'ai acheté ça, mon amour ! Tu sais que j'ai eu le coup de foudre pour toi ! Lui explica-t-il dans un anglais approximatif. 

Voyant qu'elle n'avait pas l'air très convaincue, il ajouta :

- Je voulais te faire la surprise, je savais que tu trouverais ça bizarre qu'il manque de l'argent dans le porte-monnaie ! Lança-t-il avant d'éclater de rire. 

Alice, elle, ne riait pas du tout. Il manquait environ 5000 shillings dans le porte-monnaie alors que ce bracelet ne devait en valoir pas plus d'un ou deux. 

- Wait, I'll be right back  ! He told her, with a smile from ear to ear. 

A few minutes later, he returned with a seed bead bracelet with the word “love” inscribed on it. The kind that his colleagues were used to sell on the beach. 

- It's because I bought you this, my love ! You know I felt in love with you at first sight ! He explained to her in broken English. 

Seeing that she didn't look very convinced, he added :

- I wanted to surprise you, I knew you would find it strange that there was money missing from the wallet ! He said before bursting out laughing. 

Alice wasn't laughing at all. About 5000 kenyan shillings were missing from the wallet while this bracelet didn't worth more than one or two.