Une sagesse domestiquée déferle sur l'occident depuis début 68. Une sagesse qui a repris à sa sauce le rapport des sociétés traditionnelles à la spiritualité. Une sauce sucrée, prescriptive et individualiste qui prêche avec la vigueur des nouveaux convertis la positive attitude. Il faudrait se développer personnellement. Il faudrait s'acheminer vers un bonheur, tantôt revêtant les couleurs de la pensée alternative, (médecine, éducation, permaculture, véganisme, etc.) tantôt d'un mieux-être dans une société restant résolument post-industrielle. La résilience semble en tout cas être le maître-mot ; on quitte d'anciens logiciels qui seraient déconnectés du "vrai moi" sans pour autant savoir réellement où l'on va. Ateliers de silence, stage de méditation, cours de sobriété heureuse, on institutionnalise la sagesse dans la simplicité. Et plus on l'institutionnalise avec nos outils aseptisés, plus évidemment on perd cette simplicité et la sagesse qui va avec. Le bonheur est pensé comme une cure alors qu'en vérité, il n'a même pas à être pensé. Nous ne faisons qu'imiter des peuples qui, depuis longtemps, ont abandonné la lourdeur des conventions sociales à la politique, dans laquelle une logistique du vivre-ensemble est encore nécessaire, lorsque la mélodie de l'intuition a du mal à se faire entendre au milieu de la foule des intérêts particuliers qui s'entrechoquent.

Avant d'être une croyance, le new age est un fait sociologique ; car les codes sociaux constituent la première chose avec laquelle l'occidental soit aux prises. Preuve en est que nombre d'écoles spirituelles soient fréquentées tout simplement pour recréer du lien. Ca n'est qu'une fois qu'il a conscientisé les connotations que l'occidental peut surmonter les codes qui s'y rapportent et poser un regard allant bien au-delà de ce qu'il est de bon ton de faire ou de ne pas faire, ce qu'il a renommé pudiquement "positif" et "négatif". Discerner le conditionnement pour enfin, pouvoir à nouveau s'écouter. Y a t-il besoin d'une nouvelle religion du bonheur pour cela ? Pas forcément.