J'ai regardé un meeting de Macron l'autre jour, notre Matteo Renzi à
nous. Sur la vidéo, où il y avait foultitude de monde dans les gradins
pour acclamer l'intéressé, j'ai vu des gens comme vous et moi, des gens
des classes populaires ou moyennes inférieures, en définitive. Eh oui,
outre le fait que mathématiquement, il serait impossible qu'il soit si
haut dans les intentions de vote si ça n'était pas le cas, le vote
macron est bien un vote de salariés. Intriguée par le fait que des
personnes qui ne gagnent pas plus de 2000 euros par mois puissent voter
pour le fossoyeur de leurs acquis sociaux (Division par deux de l'ISF,
suppression de l'encadrement des loyers, chèques en blanc au grand
patronat au nom d'un investissement dans l'économie qui n'arrive jamais,
ect, au passage), j'ai essayé de comprendre.
D'abord en allant les
rencontrer à l'anniversaire d' "En marche !", qui s'est tenu dans une
brasserie branchée du centre-ville de Toulouse. Mis à part les jeunes
pop accros aux sondages ayant abandonné l'UMP (Je conserve
volontairement ce nom là, car sur le fond ce parti n'a pas changé) comme
les rats quittent le navire lorsqu'il va faire naufrage et les vieux
recyclés du PS, des personnes qui ne jurent que par la compétitivité
retrouvée, avec sa réindustrialisation chimérique. Et qui sont prêtes à
tout, même lorsqu'elles ont une solide conscience écologique par exemple
pour optimiser ladite compétitivité. C'est là tout le dilemme que pose
la concurrence libre et non-faussée : A moins d'être un laboratoire
d'idées novatrices à lui tout seul, un pays ne peut s'imposer sur le
marché international et financiarisé de l'emploi sans sacrifier normes
sociales et environnementales.
Et puis en écoutant longuement une
connaissance de mon entourage, j'ai dû me rendre à l'évidence du profil
sociologique exact auquel j'avais affaire. Ce type est la
cristallisation vivante du vote Macron. Il s'agit d'un passionné de
poker qui ne rate pas une occasion d'aller à Las Vegas. Qui attend la
prochaine montée d'adrénaline d'une partie comme le junkie attend sa
piqûre d'héroïne pour se chatouiller l'égo : Flambera, flambera pas ?
Qui jubile à l'idée de pouvoir exhiber l'ampleur de sa culture générale
en public histoire de la rentabiliser. Qui est somme toute fasciné par
le fait de gagner, d'avoir l'ascendant sur les autres, que ce soit par
la coercition exercée par l'argent ou dans la joute verbale, et tout
ceci au nom de l'amour de la liberté. L'obscénité maquillée
en vertu, quoi.
Le libéralisme sauvage au nom des valeurs de la
république. D'ailleurs, pour mémoire, que nous dit le slogan d'Emmanuel
Macron, le futur PDG de l'entreprise France ? Que c'est "notre projet".
Un slogan est par définition creux, nous sommes bien d'accords, mais ici
il est littéralement vide de sens, c'est une tautologie. Nous n'avons
pas même le début d'un argument, car, outre sa mégalomanie assumée, il
ne donne aucune indication symbolique sur les intentions de ce
personnage, car "il en veut, ce jeune là", et c'est sur cette quête de
victoire que repose en fait toute sa légitimité. Alors, c'est peut-être
ça, le vote Macron : Des gens qui ont les yeux tournés vers une
soit-disant réussite sociale qu'ils n'ont pas eu comme unique projet de
société, et qui sont fascinés par l'image que leur renvoie ce jeune loup
de la politique qui à 40 ans a déjà gagné la partie, lui. A défaut
d'adhérer à la sobriété heureuse d'un mode de vie, on vit la luxure par
procuration. Macron, ou l'art de faire miroiter ce qui n'existe que dans
les fantasmes des bourgeois frustrés, comme disait Céline.