Balloté.
D'un monde à l'autre, ennivré.
D'une rive à l'autre, à travers les flots,
A travers mon être, mon si petit être,
Un grain de sable dans l'océan.
Un grain de sable dans l'univers,
S'en retourne dans le néant.
S'en retourne d'avant en arrière.
Mon corps si friable s'en remet à ma carapace,
Ma meilleure amie, ma meilleure ennemie.
Elle me protège des prédateurs, oui...
Cette carapace qui me protège du monde, autant qu'elle m'en coupe.
On dirait bien qu'il n'y a personne, à l'intérieur.
Toc toc toc, l'on frappe à la porte de ma conscience.
En ai-je une d'abord, mais qui suis-je, seigneur ?
Et pourtant je ressens, je resserre les liens,
Entre mon être et le reste du monde, les miens.
Sublime cosmogonie dont je ne connaîtrai jamais le nom.
Cosmogonie que je ne peux mentaliser.
Cosmogonie, tissu confus de sensations.
Cosmogonie marine, du fond de ma coquille que j'explore... A tâtons.
Laissons le sel transpercer mon corps friable, fragile, frivole, de parts en parts.
Et le long de ma coquille lisse, lasse, le sel m'enlacer !
Je me laisse entraîner, souvent contre mon grès, dans cette danse, la danse de ma propre vie.
Mais que puis-je faire d'autre, depuis ma tour d'ivoire ?
Sublime vulnérabilité.
C'est sans doute Dieu qui l'a voulu...
Ce démiurge un peu fou qui me brinquballe dans cette existence !
Mes sens entre les mains des clapotis des vagues et des remous.
Et parfois, je me retrouve à genoux.
Au grès des mouvements, des courants tourbillonnants,
Voilà que j'échoue.
Oui, j'échoue !
Je dérive vers la rive, et de fil en aiguille, le vent m'emporte sur la plage des pommes.
Vers une plage plus humaine, de partir on me somme !
Ma coquille luisante s'enfonce dans le sable humide,
Elle marque le monde de sa patte, empreinte limpide.
Mais je ne ressens plus grand chose, à bord de mon bolide...
Si je ne retourne pas vite bien fait dans les profondeurs...
Le soleil, même derrière d'épais nuages, aura bientôt raison de moi,
Bientôt, il assèchera mes tissus...
C'est dans la lumière que je me noie !A quand la marée haute ?
Parfois, on me prend, pour me laisser juste après...
Les enfants ne me veulent pas dans leurs collections !
Ma chair est blanche, et le teint de ma coque bien pâle.
Par chance, on me balancera peut-être à la mer...
Balloté, d'une rive à l'autre de l'existence, petite chose que l'on branqueballe.