Son stage à Versailles s'était achevé aujourd'hui. Nous étions début juin et il lui restait un mois à peu près pour boucler son mémoire. Enfin boucler oui, mais surtout commencer ce dernier, car pour dire la vérité, elle n'avait pas encore écrit une ligne... Mais un mois serait amplement suffisant. L'écriture avait toujours été son dada. Les rapports humains n'avaient jamais été son fort, dans une société où la communication était à l'honneur, même lorsque l'on n'a rien à dire. Autant dire que ses tendances autistiques n'étaient pas vraiment les bienvenues. 

L'écriture devenait ainsi un moyen de s'exprimer par un biais indirect qui non seulement ne mettrait pas trop à nu cette pseudo-faiblesse, mais encore d'exprimer des choses qui défient les conventions humaines. C'est ainsi qu'elle laissait libre-cours à son attrait pour le morbide, le fantastique et le bizarre à travers des histoires qu'elle publiait sur un blog au design douteux. Pourvu que celui-ci puisse héberger ses délires les plus sombres. Le graphisme lui était égal, elle ne versait pas dans la comm'. Seul le contenu l'intéressait, car ce blog n'était qu'un simple support pour faire de son statut d'outsider quelque chose que l'on choisir, et non que l'on subit. 

Bref, Erika était étendue dans l'herbe chaude d'un parc, la tête face au ciel. L'herbe était chaude car nous étions en juin, mois sonnant la fin de l'année scolaire et de son stage de Master 2, et blablabli, et blablabla... Un oiseau chantait au dessus de sa tête d'un air un peu monotone, comme pour annoncer le soleil couchant. La lumière faiblissait en effet, les rayons or se diffusant de façon plus ténue à travers les feuilles des tilleuils. Elle pouvait aisément l'imaginer mais ne s'en rendait pas compte, car cela devait bien faire une heure qu'elle végétait sur cette pelouse les yeux fermés, une pelouse grasse, tendre et généreuse qu'elle tripotait au grès de ses pensées sur le pourquoi de l'écriture... N'était-elle pas censée songer à son avenir professionnel et à cette carrière dans l'urbanisme, qui l'attendaient tout deux impatiemment ?

Peut-être bien que cette plongée en soi lui avait fait prendre conscience qu'elle n'en n'avait, au fond, rien à foutre. 

Peut-être bien qu'elle pouvait faire, après tout, ce qu'elle voulait de sa vie.